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Il decennio orribile delle Due Sicilie (1850-1860)

Una serie di cinque testi, di cui tre antiborbbonici, che ben rappresentano come il Regno delle Due Sicilie nel decennio 1850-1860 fosse sotto attacco da parte di Inglesi e Francesi. Pressioni di ogni genere, a partire dal dossier fabbricato da Gladstone con l'aiuto di Giacomo Filippo Lacaita da Manduria (lo stesso Lacaita che avrebbe poi fatto da segretario al Gladstone nell'affare delle Isole Ionie nel 1858 e nel 1860 avrebbe impedito che un accordo anglo-francese impedisse il passaggio di Garibaldi in Calabria) si susseguono fino  a culminare nella organizzazzione della spedizione garibaldina.

Un testo che descrive la Napoli italiana.

Zenone di Elea – Marzo 2014

ANNUAIRE DES DEUX MONDES

HISTOIRE GÉNÉRALE DES DIVERS ÉTATS.

1851-1852.

PARIS

AU BUREAU DE LA REVUE DES DEUX MONDES

20, BUE SAINT-BENOÌT.

15 SEPTEMBRE 1852.


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LES DEUX SICILES

Monarchie absolue. — Ferdinand II, roi du royaume des Deux-Siciles

I. — LE GOUVERNEMENT ET LES PARTIS.

Opinion du pays et sentimens du roi sur le régime constitutionnel. — Procès politique de l'Unità italiana. Lettrée de M. Gladstone à lord Aberdeen sur les procès d'état dans le royaume de Naples. — Polémique européenne sur celte question. —Envoi des Lettres de M. Gladstone à plusieurs cabinets par lord Palmerston. — Réponse du gouvernement napolitain. — Lettre de lord Palmerston au prince de Castelcicala. — Rappel de ce ministre. — Réplique et rectifications de M. Gladstone. — Règlement des indemnités dues aux étrangers lésés durant le siège de Messine. — Le roi et le personnel politique. — Le général Filangieri et son administration en Sicile. —Le marquis Fortunato. — Le muratisme.

Un fait significatif domine la situation intérieure du royaume des Deux-Siciles depuis 1849, c'est l'indifférence profonde et bien accusée de la masse des populations pour le régime constitutionnel dont ce pays fut doté en 1848, et qu'il n'a pas su conserver. Les Deux-Siciles ne sont pas le seul pays de l'Europe où ce phénomène se soit produit. Pour ne rappeler que des exemples appropriés à la condition intellectuelle et morale des Napolitains, n'a-t-on pas vu aussi en Autriche, pendant la courte durée du régime parlementaire, les députés paysans de plusieurs provinces voter dans l'assemblée d'accord avec le gouvernement? Le jour où ce régime a été supprimé, n'a-t-on pas vu les mêmes paysans applaudir à sa chute et apporter leur dévouement aux pieds de l'autorité monarchique rétablie dans sa plénitude? C'est aussi en s'appuyant sur les classes populaires non des villes, mais des campagnes, restées à l'abri des discussions contemporaines, que la royauté napolitaine a pu avoir raison des théories constitutionnelles.

11 ne faudrait pas croire néanmoins que ces théories, la grande préoccupation du siècle, ne comptent pas aujourd'hui encore de chauds partisans dans le royaume de Naples. Partout où il existe une bourgeoisie accessible aux idées générales répandues par la révolution française dans l'Europe moderne, il existe un parti préoccupé du triomphe de ce système de transaction entre le passé et l'avenir, entre les vieilles royautés et les démocraties naissantes, de ce système d'équilibre entre tous les intérêts en lutte au sein des sociétés modernes qui s'appelle le système constitutionnel.

(1) Né en 1810, roi depuis le 8 novembre 1830, marié en premières noces à Christine, princesse de Sardaigne, en secondes noces à l'archiduchesse d'Autriche Thérèse. Le prince royal, duc de Calabre, né le 16 janvier 1836, est fils du premier lit.

Le malheur, quant à présent irréparable, du royaume de Naples, c'est que ce parti n'y soit point nombreux, et qu'il se soit vu devancé et compromis par un parti plus ardent qui, de la monarchie absolue, eût voulu précipiter le pays sans transition dans la démocratie. Les imaginations sont vives, impétueuses, et connaissent peu la réflexion et les tempéramens sous ce brûlant climat; elles n'ont donc pas su s'arrêter sur le terrain intermédiaire où gît la vérité politique. A peine la constitution du 10 février était-elle proclamée, que des libéraux impatiens, sans même en avoir fait l'essai, demandaient qu'elle fût changée dans ce qu'elle conservait de monarchique, et travaillaient à fonder sur ses ruines un gouvernement républicain. De là toutes les calamités dont le royaume des Deux-Siciles a été assailli, calamités dont le récit a été profondément dénaturé d'ailleurs par le parti au profit duquel elles ont tourné, comme par celui qui en a été victime. Les écrivains monarchistes ont voulu que la victoire remportée par le roi de Naples sur la démagogie fût le résultat de combinaisons savantes et réfléchies et d'un courage que n'auraient point eu les autres gouvernemens européens. Les écrivains démocratiques ont voulu au contraire que cette victoire fût l'œuvre d'une perfidie consommée, d'une pensée extraordinairement machiavélique mêlée d'une sorte de cruauté froide qui ne serait plus de ce temps. Plus la lumière pénètre dans ces tristes événemens et vient éclairer les plans et la conduite des partis et du gouvernement, plus il devient manifeste que tout le mal est le résultat de l'inexpérience du parti constitutionnel et de l'extravagance de la démagogie: le souverain, qui ne possède ni les grandes qualités ni les grands défauts qu'on lui attribue, n'a eu. en ces déplorables circonstances, d'autre mérite que de profiter habilement des chances que lui offrait l'anarchie. Le pays a ratifié ce jugement de la force et du hasard. Une fois le système constitutionnel reconnu impraticable pour les états napolitains, il n'est pas douteux que le triomphe de la royauté absolue leur a été moins funeste que ne l'eût été celui de la démagogie.

Le procès de la secte de l'Unità italiana et les débats auxquels le jugement rendu a donné lieu au dehors ont ramené, en 1851, toutes les attentions sur l'histoire de la révolution napolitaine. Les renseignemens qu'on en tire, tout en éveillant de douloureuses sympathies pour quelques esprits incontestablement généreux compromis dans ces vaines tentatives, ne confirment que trop les accusations de manœuvres révolutionnaires portées contre les démocrates napolitains. Le procès de l'Unité italienne, qu'on ne l'oublie point, est distinct de celui de la conspiration du 15 mai, dont l'instruction s'est poursuivie à part. Néanmoins l'association de l'Unité paraît n'être point restée étrangère à cette insurrection du 15 mai, dont les conséquences ont été si funestes au parti constitutionnel.

L'instruction judiciaire, portée devant la gran corte spéciale, fait remonter cette association jusqu'aux célèbres carbonari de 1820, en passant par la Giovine Italia, qui semble en effet relier la révolution de 1820 à celle de 1848. Au reste, les membres de l'association de l'Unità ont proclamé eux-mêmes cette descendance dans l'article 1er de leur statut organique (1). Leur but est tracé avec non moins de franchise: délivrer l'Italie du pouvoir absolu et de la domination étrangère, l'unir, lui donner la force et l'indépendance en la débarrassant de tout élément hétérogène capable de contrarier cet effort, voilà la pensée dont cette société se proposait la réalisation. Voici quelle était son organisation intérieure: elle était composée de cercles ne dépassant point quarante personnes; chaque cercle comptait un président, un conseil de deux ou quatre membres, un questeur et des membres inscrits désignés sous le nomd'Cmft. Ces cercles étaient de cinq espèces: le grand conseil, les cercles généraux, les cercles provinciaux, les cercles d'arrondissement, les cercles des communes. Les cercles se concentraient de manière à ce que les membres du conseil d'un cercle fussent présidens d'un autre cercle égal ou inférieur. Les membres de la société étaient de trois degrés: les membres unis ou simplement inscrits, les unitaires, présidens ou conseillers des cercles, les grands unitaires, membres du grand conseil, seuls autorisés à connaître le but suprême et les moyens derniers de la société. Deux grands devoirs étaient imposés à tous les membres: un silence absolu, une obéissance aveugle aux ordres des chefs.

L'instruction judiciaire, qui est parvenue à mettre au jour les plans des conjurés, commença en novembre 1848; elle touchait à sa fin en juillet 1849. Un essai d'insurrection qui survint, le 16 septembre, à l'occasion de la bénédiction que le pape Pie IX donnait à la population napolitaine, appela de nouvelles recherches et retarda le jugement, qui s'est fait attendre jusqu'au 1" février 1851. Cette instruction, qui n'a pas duré moins de quatorze mois, suivie d'un procès qui s'est prolongé durant soixante-quatorze jours, albrmulé catégoriquement tous les crimes qu'elle reproche à la société de l'Unité. D'abord, celte société aurait travaillé à l'insurrection du 15 mai 1848 dans l'intention de renverser la royauté. L'instruction en voit la preuve dans une proclamation datée du 1er mai et saisie chez l'un des membres de l'association. Ce document prouve, d'autre part, pour l'histoire, le concours que cette conspiration attendait de la révolution qui grondait alors dans toutes les parties de l'Europe, et qui allait, à ce même jour du 15 mai, se montrer en France, en Autriche, comme à Naples. dans sa plus grande témérité.

(1) «La società dell'Unione italiana è la medesima che la Carbonaria et la Giovine Italia.»

«Nous avons échangé nos correspondances avec les patriotes d'Italie, de France, d'Espagne et d'Angleterre, disait la société de l'Unité; nous accomplirons nos desseins par un accord universel, et notre fer vengeur terrassera pour toujours le despotisme. Le grand architecte de l'univers n'a point été sourd aux plaintes de tant d'opprimés; la lumière se montre déjà; nous touchons au moment de la manifestation de nos desseins. Que le cri: Aux armes! s'élève en même temps que celui de la revendication de nos droits. Demandons la constitution de 1820. Le ciel est fatigué de voir des souverains et des ministres parjures! Aux armes!» Afin de donner plus d'ensemble à l'insurrection, les conjurés traçaient les devoirs des gouvernemens provisoires qu'ils conseillaient d'établir dans chaque localité jusqu'à la réunion d'un parlement national constituant. Devait être déclaré ennemi public, et comme tel fusillé, tout ecclésiastique qui, abusant de son ministère sacré, inviterait le peuple à supporter l'esclavage ou qui le dissuaderait de prendre les armes en faveur de la constitution de 1820. Serait pareillement traité tout capitaine, officier subalterne, sous-officier et toute personne ayant un commandement, qui ne se déciderait pas sur-le-champ a soutenir la légion sacrée, et ne s'efforcerait pas d'arrêter l'effusion du sang des citoyens.

Une autre pièce, portant la signature du grand conseil de l'Unité italienne et adressée aux unitaires de la province de Naples, conseille ouvertement un attentat sur la personne du roi. «N'ètes-vous point Italiens1? N'avez-vous point un poignard? Personne d'entre vous ne sacrifiera donc sa vie pour vingt-quatre millions de ses frères? l'n homme seul, un seul coup de pointe, donnerait la liberté à l'Italie et changerait la face de l'Europe!» Le principal chef d'accusation semblait toutefois résider dans la conspiration de septembre 1849. Un comité formé de membres épars de la société de l'Unité, sous le nom de Chevaliers du poignard, s'était proposé de profiter d'une fête militaire du 8 septembre pour tenter une révolte. Une proclamation incendiaire fut répandue parmi les masses. La police, informée à temps, put prévenir et détourner le danger. 11 n'était pourtant qu'ajourné. La situation critique de la révolution, qui venait d'être abattue à Rome et en Hongrie, poussait les démagogues de Naples à un suprême effort, s'ils voulaient tirer parti des derniers restes de l'agitation européenne. Une fête devait être donnée, le 16 septembre, en l'honneur de Pie IX, devenu l'hôte de Ferdinand II. C'est en jetant une bombe dans le cortège du roi et du pape, au moment où celui-ci donnerait sa bénédiction, que les conspirateurs comptaient susciter une nouvelle insurrection. La bombe, en éclatant, ne blessa qu'un petit nombre de personnes dans la foule.

Voilà quel était l'ensemble des accusations générales formulées contre la société de l'Unité italienne. La sentence fut rendue le 1er février 1851. Quarante-deux individus avaient été impliqués dans le procès: deux étaient morts durant le cours du procès; trois autres, Faucitano, Agresti, Settembrini, furent condamnés à la peine capitale; Barilla et Mazzaau bagne; Nisco et Margherita à trente ans de fers; Catalano, Vellucci et Braico à vingt-cinq ans de fers; Poerio, Pironti, Romeo à vingt-quatre ans de fers, dix à dix-neuf ans de la même peine, deux à six ans d'exil, cinq à un an de détention, un à quinze jours de réclusion, et un autre à cinquante ducats d'amende; huit furent mis en liberté provisoirement. Depuis 1848, aucune condamnation à mort pour crimes politiques n'avait été exécutée dans le royaume des DeuxSiciles. Résolu à être inflexible et cependant dominé par des scrupules religieux, le roi de Naples répugnait à verser le sang. Cette fois encore la peine de mort prononcée contre les trois principaux condamnés ne fut point appliquée; elle fut commuée en une réclusion à perpétuité dans la forteresse d'une île. Par un décret du 30 avril 1851, les cinq condamnés à un an de prison furent graciés (1).

C'est le procès de l'Unité qui donna lieu à cette grande polémique européenne soulevée par un personnage éminent d'Angleterre, M. Gladstone, et envenimée par le secrétaire d'état des affaires étrangères, lord Palmerston. M. Gladstone, ancien collègue de sir Robert Peel au ministère, membre du parlement et l'un des hommes de la Grande-Bretagne les plus estimés pour leur caractère, mais, comme tous les hommes d'état de ce pays, animé d'un patriotisme toujours en éveil, avait passé quelque temps à Naples, portant les habitudes et la méditation du politique dans les allures du touriste. Homme parlementaire, il avait été frappé de ce calme plat de l'obéissance passive qui remplaçait le jeu bruyant des pouvoirs parlementaires détruits au 15 mai 1848. Philanthrope, il avait remarqué avec douleur ces représailles de la justice politique, enveloppant dans les mêmes poursuites et les mêmes châtimens des caractères honnêtes qui n'étaient qu'égarés avec des coupables qui étaient moins à plaindre. Enfin, excellent citoyen de l'Angleterre, ne perdant pas de vue les grands intérêts britanniques engagés dans les questions débattues à Naples et principalement dans celle de laSicile, il déplorait intérieurement sans doute que les partis libéraux n'eussent triomphé ni en-deçà ni au-delà du Phare, car, dans ce cas, les Deux-Siciles eussent constitué deux états séparés, et l'Angleterre eût été en position d'asseoir au pied de l'Etna cette influence qu'elle rêve depuis si long-temps  comme le but de ses ambitions dans la Méditerranée.

(1) On peut consulter avec fruit sur cette grande affaire la Decisione délia gran cortc spéciale di Napoli nella causa délia setta l'Unità italiana.

 

M. Gladstone était porté ainsi par tous ses instincts à voir la situation du royaume de Naples et la politique du roi Ferdinand II parleurs côtés les plus fâcheux. Ces préventions devaient enlever quelque chose à la sûreté de ses jugemens et à l'autorité de ses affirmations, et trop d'erreurs de chiffres, trop d'allégations réfutées d'avance par les faits devaient atténuer la portée des idées justes et des sentimens élevés qu'il exprimait dans ses Lettres à lord Aberdeen sur les procès d'état dans le royaume de Naples.

Les accusations de M. Gladstone portaient sur plusieurs points. L'administration de la police était l'un des principaux objets de ces accusations. «Au mépris de la loi, disait M. Gladstone, le gouvernement, dont le préfet de police est un des membres importans, surveille et épie les habitans à l'aide de ses agens; il fait des visites domiciliaires ordinairement la nuit, saccage les maisons, saisit les papiers et les effets, brise les planchers à plaisir sous prétexte de chercher des armes, et emprisonne les gens par vingtaines, par centaines, par milliers, sans un mandat d'amener, quelquefois même sans ordre écrit, quel qu'il soit, sur un mot d'un agent de police, et constamment sans spécifier la nature du délit ou du crime.» M. Gladstone allait plus loin encore; il accusait le gouvernement napolitain d'emprisonner les gens, non parce qu'ils auraient commis un crime ou même qu'on les supposerait coupables, mais parce qu'on jugerait utile de s'en défaire. Alors on fabriquerait des accusations, on saisirait les livres, les papiers de l'inculpé, on l'interrogerait lui-même en secret, sans charges, sans témoins. Le prisonnier n'aurait pas le droit d'appeler un conseil, pas même de consulter un avocat. «Pour mieux dire, ajoutait M. Gladstone, il n'est pas interrogé, mais, comme je le sais, il est insulté de la manière la plus grossière par les officiers de la police. Et ne croyez pas que ce soit la faute des individus; c'est là le résultat inévitable d'un système quia pour but essentiel de créer des charges contre le prisonnier.»

Après la police, M. Gladstone attaquait sans pitié la justice. Il ne se bornait pas à blâmer quelques imperfections, quelques exemples de corruption dans des employés subalternes, quelques cas de sévérité excessive. Il s'agissait, suivant lui, de la violation incessante, systématique et délibérée de tous les droits dont le gouvernement devrait être le protecteur; il s'agissait de la violation de toute loi humaine écrite, violation, disait-il, accomplie dans la pensée de fouler aux pieds toutes les autres lois écrites et éternelles, humaines et divines; il s'agissait de la persécution de toute vertu quand la vertu était unie à l'intelligence, persécution si générale que rien ne pouvait y échapper.

M. Gladstone proclamait que le gouvernement napolitain était poussé par une hostilité féroce, cruelle non moins qu'illégale, contre tout ce qui vit

et se meut dans la nation, contre tout ce qui peut amener un progrès et une amélioration. «C'est, ajoutait-il, une épouvantable profanation de la religion publique unie à la violation de toute loi morale, sous l'inspiration de la peur et de la vengeance; c'est la prostitution absolue de la magistrature dont le gouvernement a fait le réceptacle dégradé des calomnies les plus viles et les plus maladroites, lâchement et délibérément inventées par les conseillers immédiats de la couronne dans l'intention de détruire la paix, la liberté, et, par des sentences capitales, la vie des personnes les plus vertueuses, les plus honorables, les plus intelligentes, les plus illustres de tout le pays; c'est un sauvage et lâche système de tortures morales et physiques mis en pratique au moyen des sentences arrachées à des cours de justice dépravées.» M. Gladstone concluait par une attaque directe au caractère du roi de Naples. «Le prince, qui se dit l'image de Dieu sur la terre, n'apparaît aux populations qu'entouré des vices les plus révoltans.» Ainsi parlait M. Gladstone, et l'on ne peut nier que son langage ne fût empreint d'un accent d'indignation sincère. On s'intéressait sans doute à quelques-uns de ces jeunes hommes qu'un amour mal réglé de la liberté politique avait exposés à cette cruelle condition de prisonniers d'état; on ne lisait point sans émotion l'histoire de ce Carlo Poerio, l'un des anciens ministres constitutionnels du roi Ferdinand, et que M. Gladstone plaçait sur la même ligne que «les plus éclairés, les plus loyaux, les plus intelligens et les plus constitutionnels des hommes d'état de l'Angleterre.» Dans un document de ce genre, on regrettait toutefois de ne pas trouver assez souvent la preuve à côté de l'affirmation, et d'être obligé, dans cette question obscure, de s'en rapporter presque exclusivement à l'honorabilité bien connue, mais en ce moment passionnée de M. Gladstone.

Ce témoignage que les lettres de l'homme d'état anglais portaient avec elles suffisait à lord Palmerston. 11 saisit avec ardeur les armes qu'elles lui offraient contre le gouvernement napolitain aux yeux de l'Europe. Il ne se contenta point de voir la polémique violente qu'elles soulevèrent dans la presse de tous les pays, il voulut leur imprimer un caractère officiel, en les adressant à tous les ministres d'Angleterre auprès des grands cabinets et en leur recommandant d'en donner communication aux gouvernemens auprès desquels ils étaient accrédités. Les cours de Russie, de Prusse et d'Autriche reçurent froidement cette communication; la confédération germanique y répondit même par des observations qui ne laissaient pas d'être piquantes pour la diplomatie anglaise.

La question cependant avait pris un caractère trop vif, trop vaste, elle avait soulevé trop d'accusations contre le gouvernement napolitain, non-seulement dans le parti démocratique, mais parmi les libéraux modérés de tous les pays, pour que le cabinet de Naples pût s'abstenir d'une réplique.

Son silence eût été pris pour un aveu. Delà son mémoire du 25 août 1851, adressé à tous les gouvernemens et aux principaux organes de la presse européenne (1).

Ce mémoire n'était point rédigé sans habileté. Il commençait par accuser M. Gladstone d'avoir fréquenté les mécontens et les condamnés en négligeant le monde officiel, les ministres, le roi même, auprès duquel sa grande situation lui donnait un facile accès. Le mémoire s'attaquait ensuite à ce sentiment qui porte l'opinion à ressentir moins d'horreur pour les crimes politiques que pour les crimes ordinaires. Puis le cabinet de Naples entrait dans un exposé détaillé des formes de la procédure en usage dans le royaume. Rappelant les origines françaises de la législation napolitaine et les éloges dont elle a été plusieurs fois l'objet de la part des jurisconsultes français, il parlait avec complaisance du zèle des magistrats pour garantir la liberté personnelle et mettre l'innocence à l'abri de tout abus. Les lois, suivant les expressions mêmes du gouvernement napolitain, autorisent les officiers de la police judiciaire et les agens de la police ordinaire, qui exercent dans la capitale et dans les chefs-lieux des provinces et des districts les fonctions de la police judiciaire, à arrêter l'accusé pris en flagrant délit ou en quasi flagrant délit. Hors ces cas, nul ne peut être arrêté qu'en vertu d'un mandat de dépôt décerné par l'autorité judiciaire ou de police qui instruit le procès et qu'après mûr examen des indices recueillis contre l'accusé. Quand il est nécessaire de visiter le domicile de quelque citoyen pour saisir des objets criminels ou pour découvrir la trace de quelque délit, la loi, protégeant autant que possible le foyer domestique, ne permet d'y pénétrer que dans les cas extraordinaires et soigneusement spécifiés, et elle menace de suspension l'officier de police judiciaire qui contreviendrait à ces dispositions. Elle exige en outre que l'officier soit accompagné de deux témoins, qu'il invite la personne dont on fouille la maison, ou, à son défaut, quelqu'un de ses parens, de ses amis ou de ses voisins, à assister à cette opération; elle veut que, si l'on trouve des papiers ou d'autres objets dignes d'attention, on les montre au propriétaire, pour qu'il les reconnaisse et y appose sa signature; elle veut qu'on les enveloppe et qu'on les serre avec des cordons sur lesquels on met les scellés. Le mémoire s'étendait ainsi avec complaisance sur la procédure, telle du moins qu'elle est exposée dans le code.

Si l'on parcourt ce tableau officiel de la législation pénale dans les états du roi de Naples, on ne peut contester le mérite des formes, et l'on est forcé de reconnaître qu'elles sont plus parfaites qu'on ne s'y attendrait.

(1) Sous ce titre: Rassegna degli errori e delle fallacie pubàlicata dal sig. Gladstone in due sue lettere indiritte al conte Aberdeen su i processi politiqi net reame dette Due-Sicilie.

Le mémoire glissait toutefois rapidement sur les cours spéciales distinctes des grandes cours criminelles. Il déclarait que les dispositions tutélaires dont il faisait l'énumération étaient communes aux grandes cours criminelles et aux grandes cours spéciales. Il admettait cependant que, devant celles-ci, les délais sont plus brefs, soit pour recourir à la cour suprême contre la décision de la cour spéciale qui serait déclarée incompétente, soit pour présenter les demandes de vérifications de fait, la défense et les listes de témoins. En outre, le recours en cassation contre les arrêts prononcés n'est admis que s'il s'agit de condamnations à la peine capitale ou perpétuelles, prononcées à la simple majorité et sans le concours de six des huit juges votans. Or les procès politiques sont dans les attributions de ces cours spéciales.

Après avoir décrit ainsi en détail la marche de la procédure, en réponse aux accusations dirigées par M. Gladstone contre la police et les tribunaux napolitains, le mémoire discutait les allégations de l'illustre touriste anglais sur la culpabilité de quelques-uns des condamnés et sur les mauvais traitemens dont il les croyait l'objet dans les prisons. Sous ce rapport, la tâche du gouvernement napolitain était facile, tant les données de M. Gladstone étaient vagues toutes les fois qu'il abordait les questions de chiffres et de faits. Cependant le mémoire ne réussissait point à détruire le vif intérêt, les regrets sympathiques que les Lettres de M. Gladstone avaient éveillés en faveur de quelques-uns des condamnés de l'Unité, et notamment de cet infortuné Carlo Poerio, esprit élevé, dont les antécédens appartenaient bien plus au parti constitutionnel qu'au parti radical.

En adressant ce mémoire aux divers cabinets de l'Europe en même temps qu'à la presse de tous les pays, le gouvernement napolitain était dans son droit. Son ministre plénipotentiaire à Londres, le prince de Castelcicala, agissant, a-t-on assuré, de son propre mouvement, et non d'après les instructions précises de son cabinet, avait fait davantage. Quelques jours avant la publication du mémoire officiel (1), le prince avait adressé à lord Palmerston une brochure rédigée dans l'intérêt du roi de Naples par un Anglais nommé Mac Farlane {the Neapolitan goternment and Mr. Gladstone), et lui avait demandé de communiquer cet écrit aux envoyés anglais dans les diverses cours de l'Europe, comme il avait fait pour les Lettres de M. Gladstone.

Lord Palmerston trouva cette démarche étrangère aux habitudes de la diplomatie, et il y répondit dans une forme qui ne l'était pas moins. Il commença par déclarer que ce pamphlet ne faisait honneur ni à l'écrivain ni au gouvernement qu'il avait voulu défendre.

(1) Le 9 août 1851; le mémoire est du 25.

Le ministre anglais saisissait d'ailleurs avec empressement cette occasion pour reproduire les accusations de M. Gladstone, et reprendre pour le compte du gouvernement anglais ces reproches d'injustice, d'iniquité, de cruauté, dirigés contre le gouvernement de Naples, ajoutant que l'on ne se serait point attendu à rien voir de semblable de nos jours dans aucun pays de l'Europe. Lord Palmerston déclarait que M. Gladstone, bien loin de s'être laissé guider par des sentimens d'hostilité systématique contre le gouvernement napolitain, n'avait pas eu d'autre objet que de faire intervenir la puissance de l'opinion publique pour arrêter une série de fautes qui, en se prolongeant, porteraient la plus sérieuse atteinte à l'existence du gouvernement napolitain, et ébranleraient ses bases.

Le prince de Castelcicala n'était point sans reproches dans cette question. Au lieu de recourir à un procédé non moins inusité diplomatiquement que celui de lord Palmerston, son devoir eût été peut être de protester contre l'envoi de la brochure de M. Gladstone aux gouvernemens étrangers par la voie officielle du cabinet anglais, ou bien de s'abstenir et de laisser à l'Europe, déjà peu favorablement disl»osée pour le ministère anglais, le soin d'apprécier le procédé. Le gouvernement napolitain refusa d'endosser la faute de son ministre et le remplaça, après avoir adressé au ministre anglais à Naples (M. Temple) une protestation qui ne manquait pas de vivacité (23septembre). Ainsi se terminait cette longue et triste querelle. Dans la réplique que M. Gladstone a publiée depuis en réponse aux critiquesque ses Lettres ontsoulevées, il a lui-même, tout en maintenant ses opinions sur le fond des choses, reconnu qu'il s'était laissé induire à un certain nombre d'affirmations erronées.

Le royaume de Naples eut cette année encore avec l'Angleterre un autre démêlé qui remontait aux événemens de 1848. Des citoyens de divers pays avaient souffert durant le siège de Messine. Le gouvernement anglais, qui ne néglige jamais en pareil cas d'adresser des réclamations catégoriques et qui, depuis trois ans, l'a montré suffisamment en Grèce, en Toscane, en Portugal, s'empressa de demander une indemnité pour les Anglais qui avaient éprouvé des dommages. Le gouvernement napolitain ne contestait pas le principe. La question roulait tout entière sur le chiffre. A cet égard, la France et l'Autriche, qui étaient en cause ainsi que l'Angleterre, témoignaient les dispositions les plus conciliantes.

Il n'en était pas de même de l'Angleterre. Dans un comité où assistaient, pour la France M, Walewski, pour l'Autriche M. le général Martini, et pour l'Angleterre M. Temple, celui-ci avait d'abord paru accepter les offres faites par le cabinet de Naples et débattues en commun. M. Temple néanmoins, après réflexion, refusa de reconnaître l'arrangement.

Pour éviter les inconvéniens d'une nouvelle querelle, le gouvernement napolitain préféra payer sans prolonger le débat (octobre 1851).

Le grand procès de l'Unité italienne et les conflits diplomatiques qu'il entraîna inopinément sont les seuls objets dont l'attention publique se soit émue à Naples. Ce pays est d'ailleurs l'un de ceux où les intérêts les plus graves sont traités avec le plus de calme et quelquefois d'insouciance, quoique des intérêts secondaires ou insignitians y soient quelquefois embrassés avec passion. C'est un des caractères distinctifs du gouvernement napolitain, et ce défaut essentiel remonte, nous devons l'avouer, jusqu'au trône lui-même. On l'a dit avec beaucoup de raison, ce qu'il y a de fâcheux dans la situation du royaume de Naples est une question de personnes plutôt qu'une question de choses. Les choses laissent sans doute à désirer, puisque le pays reste placé sous le régime du pouvoir absolu et que l'on n'entrevoit point le moment où il pourra revenir à un régime plus libéral, dont il abuserait peut-être encore s'illui était rendu; mais le mal ne serait point aussi profond, si la liberté perdue et impossible trouvait des dédommaxemens dans la sagesse d'une administration plus intelligente, si le roi, dont les intentions sont excellentes et les vertus incontestables, savait mieux choisir les hommes dont il s'entoure et n'appelait pas trop souvent dans les fonctions publiques des personnes sans capacité, quelquefois même d'un caractère équivoque. Tous les étrangers qui ont visité Naples ont été frappés de cet affligeant spectacle et de ce contraste que le personnel gouvernemental forme avec la riante et riche nature d'un pays qui n'a besoin que de quelques soins éclairés pour prospérer. Parmi les hommes que le roi de Naples a appelés au gouvernement dans ces dernières années, deux se sont élevés cependant au-dessus des reproches que l'opinion de l'Europe adresse aux agens de la politique napolitaine au dedans et au dehors du royaume. Ces deux hommes sont le général Filangieri, prince de Satriano, qui vient de quitter le gouvernement de la Sicile, et le marquis Fortunato, qui, après avoir honorablement rempli les fonctions de ministre des affaires étrangères durant près de trois ans, s'est vu retirer son portefeuille.

Le général Filangieri est le fils du célèbre et libéral auteur de la Science de la législation. Né en 1784, il a débuté à treize ans en qualité de lieutenant dans un régiment de cavalerie.

Cette vie, si facile à son début, ne devait point être sans traverses avant d'atteindre à la renommée. Les circonstances l'ayant amené à Paris, il fut admis au Prytanée sur un ordre du premier consul, en l'honneur de l'illustre Gaetano Filangieri. Il commença par servir en Hollande et se distingua plus tard à Austerlitz.

L'établissement de la domination française à Naples vint ouvrir à l'ambition de Charles Filangieri de nouvelles perspectives. Honoré de la faveur du roi Joseph, il fut ensuite nommé officier d'ordonnance de Murât, puis colonel d'un régiment de ligne et enfin d'un régiment d'infanterie légère. C'est à la tête de ce régiment qu'il était parti pour prendre part à la campagne de Russie, lorsque le débarquement des Anglais sur les côtes de la Principauté-Citérieure le rappela sur ses pas. Dans l'expédition que Murât tenta plus tard sur le Pô, Filangieri commandait l'avant-garde comme maréchal-de-camp. Durant cette même période, Murât le chargea de diverses missions diplomatiques à Vienne et à Paris. Lorsque, après le retour de l'île d'Elbe, Murât crut devoir soutenir les intérêts de son beau-frère, Filangieri suivit cette nouvelle évolution de la politique du roi de Naples, et, grièvement blessé dans cette campagne, il fut nommé sur le champ de bataille lieutenant-général. Ainsi l'éducation et l'illustration militaires de Filangieri appartiennent en quelque sorte à la France. Cependant il n'avait jamais perdu de vue son pays, et deux duels sanglans qu'il avait soutenus contre des officiers français pour défendre la bravoure de ses compatriotes attestaient suffisamment son patriotisme.

A la rentrée des Bourbons à Naples, il était naturellement désigné comme l'un des officiers-généraux les plus capables de travailler à la réorganisation militaire du pays; il y prit part en qualité de membre du conseil suprême de l'armée, sous la direction du prince de Salerne. Cette réorganisation achevée, Filangieri fut nommé inspecteur-général de l'infanterie, fonction qu'il exerça jusqu'en 1820. De cette époque jusqu'à l'avènement de Ferdinand II en 1830, le général Filangieri, devenu par héritage prince de Satriano et possesseur d'une grande fortune, resta en dehors des affaires. Ferdinand II le remit en activité de service. Depuis 1831, le général Filangieri n'a pas cessé de travailler avec le roi à l'amélioration de l'armée, qui est, comme on sait, l'objet des soins les plus attentifs du gouvernement napolitain. Enfin, en 1848, le prince de Satriano fut investi par le roi de la plus délicate besogne qui pût échoir à un général et à un homme d'état: il fut chargé de reconquérir la Sicile insurgée et redevenue indépendante. Le plus difficile, à vrai dire, n'était pas de combattre et de vaincre l'armée indisciplinée et peu nombreuse des Siciliens, c'était de triompher de l'opposition que les flottes anglaise et française coalisées opposaient à la marche de ses troupes.

En résumé, le général Filangieri avait plus à négocier qu'à combattre. Arrêté par la diplomatie des deux grandes puissances après la prise de Messine qui était pour lui comme la clé de la Sicile, il a su, par une conduite habile vis-à-vis de la France et ferme vis-à-vis de l'Angleterre,

paralyser cette résistance, et aussitôt qu'il a pu reprendre son vol, il n'a eu besoin que de quelques jours pour reconduire les troupes royales dans Palerme et replacer l'île entière sous le sceptre de Ferdinand II.

La mission de réparer les maux causés à la Sicile par la révolution et la guerre revenait de droit au général Filangieri; il fut investi du gouvernement civil et militaire de l'île, et il exerça ces hautes fonctions avec une modération et une intelligence qui promettaient de faire bientôt oublier aux populations ces funestes secousses de 1848 et 18-49, dont elles ne sont point encore entièrement remises. Un acte heureux marqua les débuts de son administration: c'est la création de la dette sicilienne, qui inspire aujourd'hui la plus parfaite confiance. A l'aide de cette institution d'un grand livre en Sicile, les charges de la guerre et l'arriéré des finances locales se trouvent acquittés sans que les populations en ressentent directement le fardeau. Le général Filangieri, qui a été un des premiers à conseiller la mesure, est aussi, par la prudence de son administration, l'auteur du succès que cette mesure obtient. Aussi la Sicile ne montrait-elle aucune impatience sous le régime exceptionnel auquel elle reste encore soumise. Toutefois le général Filangieri ne croyait pas que le gouvernement napolitain pût maintenir long-temps ce régime sans prendre l'initiative de quelques réformes dans l'ordre des intérêts matériels. Le roi aura découvert sans doute dans cette opinion si raisonnable des tendances trop libérales, et le prince de Satriano s'est vu forcé par sa conscience de se démettre de la mission qui lui était confiée (juillet 1852).

Le marquis Fortunato est, avec le général Filangieri, l'homme qui a le plus contribué au rétablissement de l'ordre et à la pacification des esprits dans les états napolitains durant les dernières années de crise. M. Fortunato n'est arrivé aux hautes fonctions qu'il a occupées que par une vie laborieuse et en passant par une série d'emplois remplis avec distinction. Comme le général Filangieri, quoique d'une manière moins directe, il s'est formé au contact de l'administration française. Nous le trouvons d'abord assesseur à la cour criminelle, sous Murât. Bientôt il obtient du roi Joachim une mission de confiance; il remplit les fonctions de délégué de l'armée en Toscane; il eut même, à cette occasion, à exercer une surveillance sur Fouché, que l'on croyait être venu en Italie pour rendre compte à Napoléon des opérations militaires de Murât, qui n'était point alors l'allié de son beau-frère. M. Fortunato obtint ensuite une préfecture dans laquelle il montra ses talens administratifs.

Après la restauration, il resta quelque temps sans emploi. Il sortit cependant de cette retraite momentanée pour exercer les fonctions de procureur-général à la cour des comptes.

Sous Ferdinand II, M. Fortunato fut nommé d'abord ministre sans portefeuille et chargé des négociations avec les ministres étrangers jKHir ce qui regardait les traités de commerce, affaires qui sont considérées à Naples comme rentrant dans le domaine des finances et ne sont point comprises dans les attributions du département des affaires étrangères. En janvier 1848. au moment où le roi obéissait au mouvement constitutionnel, sous l'empire de l'influence libérale répandue en Italie, sans être pourtant dominé encore par la révolution qui se préparait, M. Fortunato, qui s'associait volontiers à cette politique nouvelle du roi, fut appelé au ministère des finances; mais, quand l'influence passa au parti avancé, qui devait se perdre dans les illusions et les tentatives révolutionnaires, M. Fortunato se retira (mars 1848). U est rentré au pouvoir en août 1849, comme président du conseil, ministre des affaires étrangères et ministre des finances. Il fut remplacé ensuite au département des finances par le chevalier d'Urso. Depuis lors jusqu'en janvier 1852, M. Fortunato n'a pas cessé de donner des preuves de ses dispositions conciliantes et de son activité. Le rapprochement qui s'est opéré entre le gouvernement français et celui de Naples dans les derniers temps de l'affaire de Sicile, et qui est en grande partie l'œuvre du général Filangieri, ne s'est consolidé que sous l'administration de M. Fortunato. S'il n'a pas réussi plus que le général Filangieri à ramener l'Angleterre à des sentimens plus amicaux, il a du moins empêché l'affaire des indemnités et celle des Lettres de M. Gladstone de prendre la tournure envenimée à laquelle lord Palmerston les poussait. Enfin, dans les choses d'administration intérieure ainsi qu'au dehors, ses lumières ne faisaient jamais défaut. Non seulement il était le président du conseil, mais il était en toute occasion à peu près le seul ministre sérieux. Aussi n'a-t-on pu se rendre compte des raisons qui ont amené sa chute. On n'a pu comprendre comment le roi, qui doit se sentir si peu soutenu dans cette tâche du gouvernement plus laborieuse aujourd'hui que jamais, s'est séparé de l'homme qui méritait le mieux sa confiance et qui le servait avec le dévouement le plus éclairé (1).

En voyant cette sorte de parti pris de ne s'entourer que de médiocrités qui n'ont pas même devant l'opinion l'avantage spécieux de noms illustres, on se demande si le roi se rend bien compte des vrais intérêts, non pas seulement du pays, mais de la royauté elle-même. Il est une réflexion que suggère naturellement la destinée du général Filangieri et de M. Fortunato:

(1) Le ministère est resté ainsi composé: M. Troja, président du conseil et ministre de l'instruction publique; M. Carafa, ministre des affaires étrangères; M. Longobardi, ministre de la justice; M. Murena, directeur de l'administration intérieure; M. Peccheneda, directeur de la police; M. d'Urso, ministre des finances; M. Carascosa, ministre des travaux publics et de l'agriculture; le prince d'Ischitella, ministre de la guerre et de la marine.

la plupart des hommes capables que renferme aujourd'hui le royaume de Naples (et ils ne laissent pas d'être nombreux) appartiennent par leurs origines politiques à l'époque française: ils se sont formés sous Murât, ils l'ont servi, quelques-uns avec dévouement, et non pas sans ressentir pour l'incomparable soldat quelque chose de l'attrait qu'il inspirait, malgré toutes les légèretés de son esprit. Le parti révolutionnaire est vaincu à Naples, soit, et il n'existe pas, nous le croyons, de muratistes bien redoutables; mais la meilleure manière de ne point réveiller ces souvenirs en un moment où les imaginations sont portées à se préoccuper de tout ce qui se rapporte à l'époque impériale, est-ce d'éloigner tous les hommes qui sont capables de maintenir dans l'esprit des populations le respect de la dynastie régnante? Le peuple est passionné pour le roi et le supplie de ne point rendre au pays le régime constitutionnel de si triste mémoire; mais le peuple napolitain est plus peut-être qu'aucun autre impressionnable et mobile. Il est à la merci de tout ce qui parle à l'imagination, de ce qui entraîne et passionne. Il ne faut point que son dévouement absolu d'aujourd'hui inspire une confiance aveugle. Il n'est qu'une seule manière de le fixer dans son attachement pour la royauté, c'est de suppléer par une administration sage et active à la liberté qui manque. Bien administrer, le roi ne le peut qu'en confiant le pouvoir à des hommes éclairés et d'intentions droites. Il l'a compris en quelques occasions. Les progrès accomplis depuis 1830 dans certaines branches de l'administration à l'aide du général Filangieri, de M. Fortunato et d'autres encore, sont là pour en témoigner. Espérons qu'il s'en souviendra.

II. — LES RÉFORMES ADMINISTRATIVES SOUS LE RÈGNE ACTUEL.

Finances. — Armée cl marine. — Les fonctions publiques. — La diplomatie. — Organisation de la justice. — Instruction publique. — Salubrité. — Établissemens de bienfaisance. — Travaux publics. — Agriculture, industrie et commerce.

Si l'administration laisse quelque chose à désirer dans les états napolitains, la faute en est moins, il faut le reconnaître, aux institutions qu'aux hommes. La domination française a jeté dans ce pays les fondemens des principes les plus élevés qu'elle connût elle-même. Ces principes de centralisation servaient trop bien les intérêts du pouvoir suprême pour que la dynastie bourbonienne ne s'empressât point de les adopter en rentrant en possession du trône. Hâtons-nous d'ajouter que les souverains qui ont régné depuis 1815 dans le royaume des Deux Siciles ont mis beaucoup d'attention à développer les germes ainsi déposés par la France sur le sol napolitain, et que l'un des griefs de la Sicile contre leur autorité, c'est qu'ils ont essayé de la soumettre au même régime, en dépit de ses institutions féodales.

Il était naturel que cette grande province, dont l'état social est encore aujourd'hui si distinct de celui du royaume de Naples, ne s'accommodât point tout d'abord de cette législation faite pour les populations sans aristocratie; mais on ne saurait blâmer le gouvernement napolitain d'avoir tenté d'établir l'égalité civile et la centralisation administrative sur les ruines de cette féodalité bien plus contraire aux principes de la politique moderne que le despotisme lui-même. Reste à savoir quel parti la royauté a tiré, pour le bien public, de cette savante machine si facile à diriger.

Finances. — Les questions de finances sont un des sujets d'orgueil du gouvernement napolitain; il aime à se croire inattaquable dans son budget, toujours en équilibre. Il est vrai que le budget n'est point public; mais le gouvernement répond à l'objection par un argument irréfragable: les impôts ont été plutôt allégés qu'augmentés sous le règne actuel, et la dette contractée en 1824 (2,500,000 liv. sterl. ) ainsi que les autres dettes flottantes se sont éteintes simultanément par des remboursemens annuels. L'extinction de la dette flottante étant entièrement accomplie en 1844, des décrets de février et de juillet vinrent établir qu'il serait procédé à l'amortissement de la dette consolidée par la voie du sort deux fois l'an et au pair. Cette opération est fort loin d'être terminée; mais le fait seul de l'avoir entreprise prouve le progrès des finances napolitaines sous le règne de Ferdinand II. Si ce progrès n'avait point été entravé par la crise de 1848 et 1849 et les dépenses de guerre en Sicile, le trésor serait, on peut l'affirmer, dans une situation florissante. Au reste, les dépenses extraordinaires de ces deux années ont été mises à la charge non du royaume tout entier, mais spécialement de la Sicile.

Armée Et Marine. — La condition prospère des finances du royaume des Deux-Siciles est d'autant plus remarquable, que le roi Ferdinand II a beaucoup sacrifié, depuis le commencement de son règne, à l'esprit militaire et aux intérêts maritimes: ce fut un des premiers objets qui attirèrent son attention en 1830. Par un décret du 17 décembre, afin de simplifier l'action du commandement, il divisa l'armée de terre en quatre branches. Un décret du 26 janvier 1831 régla le gouvernement, la discipline et le service militaire dans les places. Plus tard, une médaille d'honneur fut instituée pour rémunérer la durée du service rempli d'une manière méritoire. En 1834, la durée du service, le recrutement, la distribution des contingens, les exemptions et les exclusions, en un mot toutes les opérations qui se rattachent à ces grands intérêts, reçurent une législation en rapport avec les progrès de l'esprit public. Le remplacement militaire a été lui-même réglé par un décret du 21 mars 1843, de manière à être profitable à l'armée sans être trop onéreux pour les familles.

Le génie militaire de terre et de mer, la gendarmerie à cheval, l'artillerie pour la défense des côtes et des îles, la cavalerie, les haras, reçurent plusieurs développemens successifs. La formation, l'instruction et la discipline de la réserve furent réglées par un décret du 4 décembre 1839. L'institution de l'officio topografico, établie par les décrets organiques de 1833 et de 1838, est venue régulariser les opérations scientifiques qui peuvent se rapporter à l'art militaire.

Enfin la fonderie royale, développée par une série de décrets depuis 1833 jusqu'à 1848, a créé le corps des fondeurs et des artificiers, et assure ainsi la perfection et l'abondance du matériel. L'armée active du royaume de Naples est évaluée aujourd'hui à 45,000 hommes (1), parmi lesquels ne sont pas compris l'artillerie du littoral, les escadrons de la légion d'honneur, les bataillons des gardes pour le maintien de la sûreté, les soldats de la police et ceux de la douane, le tout formant près de 15,000 hommes. N'oublions point la réserve, qui comprend tous les soldats congédiés depuis moins de cinq ans. La durée du service actif est elle-même de cinq ans (2).

La marine militaire n'a pas été moins bien traitée que l'armée de terre par le roi de Naples. Ce service était fort négligé à son avènement. Le matériel était pauvre, le personnel peu nombreux, les règlemens organiques défectueux. Depuis 1838 jusqu'en 1845, les décrets relatifs à la réorganisation de la marine se sont succédé rapidement. Le premier, celui du 7 avril 1838, commença par réunir en un seul corps le personnel des diverses branches de l'administration maritime. En 1839, le service du matériel et des commissaires de la marine fut l'objet d'un règlement très étendu. L'inscription maritime, comprenant la classification de tous ceux qui exercent le métier de la mer, fut organisée en 1840. Nous ne dirons rien de plusieurs autres décrets réglant divers détails du service, la situation des pilotes, des machinistes, les évolutions de la flotte, l'artillerie de marine, etc. L'instruction scientifique et théorique pour les pilotes et les officiers ne fut point oubliée. Un décret de 1838 avait institué deux collèges de marine, un pour les aspirans gardes-marine, l'autre pour les élèves marins ou pilotes. Ces dispositions ont été développées, par un règlement fondamental de 1843, pour l'école des élèves de marine, et ont reçu un nouvel accroissement en 1844.

La marine napolitaine compte en ce moment, en navires à voiles: 1 vaisseau de ligne, 5 frégates, 1 corvette, 1 bombarde, 5 brigantines, 2 goélettes; en bateaux à vapeur: 6 frégates, 6 bateaux en activité de service et 2 en construction.

Les Fonctions Publiques. — La loi du 2 août 1806 a aboli les juridictions seigneuriales et tous les privilèges qui en dérivent; mais cette loi a déclaré en termes exprès le maintien de la noblesse héréditaire et la transmission des titres. Une commission dite des titres de noblesse a été instituée, en 1832, pour vérifier l'authenticité des litres et juger les cas de transmission qui peuvent donner lieu à quelques contestations. Cette situation, tout honorifique, n'entraîne point de conséquences exceptionnelles; tous les citoyens sont admissibles aux emplois, en se soumettant aux conditions d'aptitude exigées par les lois. Les titres de noblesse peuvent appeler la faveur; ils ne consacrent point de privilèges.

Diplomatie. — Les fonctions diplomatiques, ainsi que dans les pays monarchiques, sont en général recherchées et remplies de préférence par des personnes prises dans la classe nobiliaire. Les décrets de 1833, 1838 et 1845, en réorganisant tout le service diplomatique et consulaire, ont institué deux écoles qui en sont la base et ont déterminé les conditions d'admission pour les élèves les examens, les matières sur lesquelles ils doivent rouler, enfin les nominations et l'avancement dans la carrière. Parmi les actes principaux de la diplomatie napolitaine sous le règne actuel, nous rangerons l'abolition des incapacités et des impôts exceptionnels dont étaient frappés les étrangers qui voulaient posséder ou s'établir dans le royaume de Naples. Des conventions conclues, en 1839 avec la Grèce, en 1843 avec le landgrave de Hesse-Hombourg et avec la Saxe, avec l'Autriche et avec la Belgique en 1843, ont fait cesser, en ce qui regarde ces puissances, la législation d'un autre âge qui réglait encore la condition de leurs nationaux dans les états napolitains. Une convention postale, conclue en 1842, a établi un service de bateaux à vapeur entre Naples et la France. D'autre part, en 1845, le gouvernement napolitain a conclu trois traités de commerce avec la France, l'Angleterre, la Russie, auxquels sont venus s'ajouter, en 1846, d'autres conventions avec la Sardaigne, les ÉtatsUnis d'Amérique, le Danemark, l'Autriche, et, en 1847, un traité de la même nature avec la Prusse. La diplomatie napolitaine est de même intervenue dans les stipulations arrêtées entre la France et l'Angleterre, en 1831 et 1833, pour la répression de la traite des nègres. Le roi de Naples fut le troisième souverain qui entra dans cette croisade humanitaire; il le fit par le traité du 17 août 1838.

(1) Ce chiffre se divise ainsi: infanterie, 29,000 hommes; cavalerie, 4, 500 hommes; artillerie et sapeurs, 2, 800 hommes; carabiniers, 8,000 hommes. Le nombre des Suisses au service de Naples était d'environ 10,000 hommes en 1851.

(2) Pour l'artillerie et la gendarmerie, la durée du service est de huit ans.

Justice. — Le procès de l'Unité italienne et le mémoire justificatif publié par le gouvernement napolitain en réponse aux Lettres de M. Gladstone ont jeté une vive lumière sur l'administration de la justice à Naples. Il est incontestable que l'organisation judiciaire a reçu des modifications et des développemens heureux depuis 1830. La juridiction pénale, le système des peines et celui des prisons constituent les trois principaux objets sur lesquels ces améliorations ont porté. A l'avènement du roi Ferdinand, il existait dans le royaume divers tribunaux extraordinaires; telles étaient les commissions militaires permanentes et les commissions suprêmes pour les accusés politiques établies en mai 1826. Ces magistratures n'étaient instituées qu'à titre temporaire. Le roi actuel a jugé nécessaire de les abolir et de faire rentrer les procès politiques dans la juridiction ordinaire. En réalité, en effet, les cours spéciales qui jugent aujourd'hui les affaires politiques sont formées de juges ordinaires, et ne peuvent pas être regardées comme des tribunaux exceptionnels. Le système pénal a subi un grand nombre d'innovations. Un décret de 1836, assimilant les peines militaires aux peines civiles, abolit celle des travaux forcés à perpétuité, et y substitue celle des fers pour un temps donné. La contrebande, le trafic des nègres ont été aussi l'objet de plusieurs dispositions pénales; enfin le duel, qui jusqu'alors paraissait avoir été plus ou moins toléré par la législation napolitaine, a été soumis par Ferdinand II à un système gradué de peines sévères, ayant pour but de le faire disparaître entièrement des mœurs. Quant au système pénitentiaire, des études avaient été ordonnées en 1831 pour étudier la question. C'est en 1845 qu'ont été publiées les instructions relatives au règlement intérieur des nouvelles prisons et à la construction de ces établissemens pénitentiaires.

Instruction Publique. — L'enseignement n'est point le côté brillant de l'administration napolitaine, quoique le droit et les lettres soient professés avec distinction dans quelques universités. En 1834, une université nouvelle a été fondée à Messine. L'enseignement supérieur ne jouit pas d'une liberté assez grande pour que les encouragemens qu'il a reçus profitent beaucoup au pays. L'enseignement primaire est dans l'enfance; il est laissé à la surveillance des évêques dans chaque diocèse. La même législation qui attribue ainsi aux évêques la surveillance de l'enseignement primaire déclare que toutes les communes chefs-lieux doivent établir les écoles primaires d'après le système de l'enseignement mutuel. La même disposition s'applique aux autres communes qui disposent des moyens nécessaires.

Salubrité. — Après les mesures d'intérêt moral, signalons quelques-unes de celles qui ont été prises dans des intérêts matériels. De ce nombre sont celles qui concernent la salubrité publique. La vaccine, qui rencontrait et rencontre encore tant d'obstacles dans les préjugés des populations,

a donné lieu à plusieurs dispositions législatives en 1831 et en 1838. L'assainissement des terrains marécageux, question grave dans plusieurs parties de l'Italie, a obtenu toute l'attention du gouvernement, et de grands travaux ont été entrepris par ses ordres sur le territoire de Brindes.

Établissemens De Bienfaisance. — Dans les pays où le clergé régulier conserve encore une grande situation, la bienfaisance est une de ses principales attributions. Sous ce rapport, il laisse peu à faire à l'état. Le royaume de Naples n'est point aujourd'hui à cet égard dans les mêmes conditions qu'autrefois, dans les conditions où fut aussi l'Espagne au temps de la grande puissance de l'église. L'état a donc dû intervenir dans cette question, spécialement en ce qui touche la ville de Naples. Une commission royale de bienfaisance a été instituée en 1831, afin de centraliser l'administration des secours. Les secours sont temporaires ou à vie; les conditions nécessaires pour avoir droit aux secours sont déterminées par les règlemens. Les dispositions particulières à la ville de Naples pour les pauvres infirmes établissent que les secours doivent leur être administrés gratuitement à domicile; chaque paroisse jouit d'une dotation mensuelle proportionnelle au chiffre de sa population.

Au reste, le paupérisme ne saurait avoir, dans les étals napolitains, le caractère que nous lui connaissons dans les grands pays de l'Occident. En Angleterre, en France, dans diverses localités de l'Allemagne et de l'Autriche, la misère est un des résultats de ces grandes fluctuations de l'industrie, de ces crises commerciales qui sont elles-mêmes les conséquences de l'extension excessive donnée, dans ces pays, au système industriel et commercial. Dans le royaume de Naples, pays essentiellement agricole, la misère n'a ni les mêmes causes ni la même physionomie; la mendicité ne peut guère venir que de vices physiques, de l'âge ou de la paresse. Cinq grands dépôts de mendicité ont été institués en 1840 pour les gens incapables de travailler et pour les mendians non volontaires. L'un appartient à la ville de Naples, les autres à la Terre-de Labour, à la Principauté-Citérieure, à la Terre-de-Bari et aux Abruzzes. La mendicité est interdite dans ces provinces, et l'administration est armée de pouvoirs pour la réprimer et de peines pour la châtier. Telles sont les dispositions générales relatives à la bienfaisance publique prises sous le règne actuel, sans préjudice des institutions qui existaient auparavant et des établissemens secondaires qui se fondent suivant les besoins du moment et des localités, comme les hôpitaux et hospices, les maisons pour recueillir et instruire les orphelins des deux sexes.

Travaux Publics. — La mendicité a reçu un heureux dérivatif dans l'impulsion que Ferdinand II a imprimée aux travaux publics. Bien que les entreprises de chemins de fer laissent fort à désirer

et que l'incurie particulière aux populations de la péninsule en retarde le développement, le royaume de Naples est encore, à cet égard, en avance sur la plupart des autres états d'Italie. Les travaux d'assainissement sur les terres marécageuses et les améliorations apportées à l'état du port de Brindes méritent aussi d'être signalés. La législation a d'ailleurs beaucoup fait pour assurer la bonne direction des travaux publics. Deux conseils d'édilité ont été établis à Naples et à Palerme (1839-1842) pour l'embellissement de ces deux villes, le redressement et l'alignement des rues, la distribution des eaux, les égouts, etc. La direction des ponts et chaussées a reçu de son côté un accroissement important parle décret d'août 1840, qui réglemente le personnel des travaux pour les provinces et institue une commission pour la révision et la surveillance des plans et des opérations. Les routes provinciales et commerciales doivent être plantées d'arbres sur les côtés; des peines sévères sont portées par les lois pour en prévenir la mutilation. L'organisation du corps des pompiers, qui rentre dans la catégorie des institutions relatives aux travaux publics, date du 13 novembre 1833.

Agriculture, Industrie Et Commerce. — L'agriculture est la principale source de prospérité pour le royaume de Naples et la Sicile. Le grand obstacle à des progrès plus rapides dans l'industrie de la terre vient de la négligence et du laisser-aller de la nation. Aussi les efforts du gouvernement ont-ils surtout en vue de porter les populations soit à ne pas se laisser envahir par la nature agreste, soit à reconquérir les terrains qu'elle a déjà envahis. Les terres marécageuses ne sont point les seules qui soient dans ce cas et sur lesquelles on ait déjà regagné quelque chose. Beaucoup de biens de toute nature et de biens ecclésiastiques en particulier restent abandonnés ou incultes, surtout en Sicile. Dans celte partie du royaume, les terres sont en général exploitées par le système du métayage. Ce qui aggrave encore cette situation, c'est le système de la sous-location, car la plupart de ces métayers ne tiennent leurs baux que d'entrepreneurs ou, si l'on veut, de grands fermiers qui sont les intermédiaires entre le propriétaire et le cultivateur. Joignez-y l'absentéisme, et tout vous rappellera la condition de la propriété en Irlande. Les conséquences sont loin toutefois d'être aussi déplorables que sur cette terre classique de la misère. En Sicile, le sol est fécond; la nature tout entière sourit et répond au cultivateur aussitôt qu'il consent au travail. Peut-être ne faut-il que l'intéresser davantage au progrès de la culture pour obtenir tous les résultats désirables.

De là les encouragemens que le gouvernement accorde au système des baux emphytéotiques. Les plus grands services que la royauté actuelle ait rendus à l'agriculture en Sicile consistent dans les mesures prises en 1838 et en 1841, pour faire disparaître les dernières traces de la féodalité.

Le code Napoléon, qui régnait à Naples sous Murât, avait été introduit en Sicile par la dynastie restaurée; mais la vieille féodalité normande, qui avait conservé sur ce sol une grande vigueur, ne pouvait disparaître en un instant comme par un coup de théâtre. Les décrets de 1838 et de 1840 eurent pour but de décider la prompte solution des procès pendans entre les communes et les anciens feudataires, de prescrire la séparation des droits encore enchevêtrés entre les propriétaires anciens et les propriétaires nouveaux, enfin d'ordonner la répartition entre les membres de la commune des terres d'origine féodale ou ecclésiastique qui pouvaient revenir ainsi aux municipalités.

Cette révolution, accomplie dans les conditions de la propriété par la mise en vigueur du Code civil dans les deux parties du royaume, a eu pour conséquence, comme partout où elle s'est opérée, de favoriser le morcellement de la terre. Le gouvernement a prévu de bonne heure les dangers de ce mouvement naturel de la propriété livrée au régime de l'égalité civile. Aussi a-t-il eu recours aux institutions de crédit foncier dans l'intérêt du petit cultivateur qui peut manquer de semences ou d'engrais. Il n'est point allé chercher des exemples dans les savantes institutions delà Pologne et de l'Allemagne, aujourd'hui imitées par la France; il s'est borné à deux sortes d'établissemens essentiellement élémentaires, mais par cela même assez simples pour pouvoir se répandre promptement dans toutes les communes: ce sont les Monti frumentari et les Monti pecuniari; ceux-ci avancent de l'argent, ceux-là des semences, à un intérêt très minime. Les privilèges du pâturage, qui existent encore sous leur forme primitive dans plusieurs parties de la Pouille et des Calabres, ont été aussi l'objet de l'attention spéciale de l'administration. Diverses mesures ont été prises pour assurer le libre transit des troupeaux qui ont l'habitude de se déplacer suivant les saisons, et pour sauvegarder au profit des pâtres les terres et les forêts qui, de temps immémorial, leur sont réservées.

Quant à l'industrie manufacturière, elle laisse beaucoup à désirer. Les populations de Naples et de la Sicile semblent pour long-temps encore destinées à rester principalement et presque exclusivement agricoles; mais le commerce, surtout le commerce par mer, est un des élémens de la prospérité relative du pays. Le royaume de Naples, lié par des traités à la France, à l'Angleterre, à la Russie, à la Sardaigne, aux États-Unis, au Danemark, à l'Autriche et à la Prusse, fait avec ces divers pays de nombreux échanges.

L'imperfection de la statistique ne permet pas de les apprécier dans leur étendue et leur variété. D'après un document officiel, le port de Naples, à lui seul, a été fréquenté en 1850 par 517 vaisseaux sous pavillon étranger, dont 170 français, 139 anglais, 106 piémontais, 14 hollandais, 12 russes,

18 américains, 11 espagnols, 11 romains, 11 toscans, 4 autrichiens, 2 suédois, 1 oldenbourgeois, 1 ionien, 1 prussien, 1 tunisien, 1 ottoman, 11 norvégiens et 1 danois. Dans la même année, 603 navires étrangers ont quitté le même port. Le roi, qui attache une si grande importance à la marine militaire, n'a rien négligé pour favoriser le progrès de la marine marchande. Les constructions de bâtimens doublés en zinc ou en cuivre ont été encouragées par des primes, dans l'intérêt de la navigation au long cours. Le cabotage a été réservé à la marine nationale. La marine à vapeur a été investie de plusieurs privilèges: des diminutions de droits de deux grains sur le droit de tonnage sont accordées par décret de 1839, pour tous les voyages d'un port à un autre port du royaume, à tout bateau à vapeur construit dans les chantiers de l'état ou introduit et destiné à la marine marchande. La restauration du port de firindes et le privilège de port franc qui lui a été concédé (1844) sont aussi envisagés comme de sages dispositions. Il audra sans doute beaucoup de temps pour que ce port réponde aux ambitions que nourrit de ce côté le gouvernement napolitain. Brindes est loin encore d'être le transit que le commerce de l'Orient choisira pour pénétrer en Europe. Tant que le royaume de Naples, tant que l'Italie tout entière n'aura pas été dotée d'un vaste système de chemins de fer entrevu, préparé en 1851, mais non encore exécuté, le commerce de l'Orient aura toujours un penchant bien autrement prononcé à se diriger immédiatement sur Marseille et sur Trieste.

La sollicitude dont le gouvernement des Deux-Siciles entoure sa marine commerciale ou militaire, les sacrifices qu'il continue de faire pour son armée sont dignes de tous les encouragemens de l'Europe continentale. Il est en effet une vérité aujourd'hui bien démontrée, quoique trop souvent oubliée: c'est que l'intégrité du royaume des Deux-Siciles est une des conditions de l'équilibre européen, comme celle du Danemark et comme celle de l'empire ottoman. Cette intégrité est menacée par deux sortes d'ennemis qui, sous le dernier ministère whig, se sont montrés partout unis, la révolution et l'Angleterre. Il est incontestable que l'esprit libéral a plus d'un grief contre le gouvernement napolitain, et que la légitimité de ces griefs fait toute la force de l'action de l'Angleterre des deux côtés du Phare. C'est pourquoi il serait tant à désirer que le bon accord se rétablît un jour entre la royauté et la liberté politique. C'est donc vers ce but que doivent tendre les efforts de tous ceux qui voudront sauvegarder l'intégrité du royaume des Deux-Siciles.

Que si le gouvernement absolu est seul possible à Naples quant à présent, puisse du moins la royauté comprendre qu'elle ne peut point, à elle seule, suffire à tous les besoins de l'administration, et qu'enfin il est de son intérêt comme de sa dignité de mettre le discernement le plus scrupuleux dans le choix des hommes avec lesquels elle en partage le fardeau!





















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