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In quest'opera ispirata direttamente o indirettamente da Napoleone III si auspica che l'Imperatore d'Austria si convinca a disfarsi di Venezia, sia per andare incontro alle sacrosante aspirazioni italiane sia per le spese che comporta il continuare a tenersi quei territori.

Il conflitto austro-italiano tiene in fibrillazione l'Europa a va sanato, secondo gli estensori di questo scritto. Ovviamente gli autori si guardano bene dal dire che tali auspici rientrano nei disegni geopolitici della Francia e non sono certo il frutto di una scelta generosa e disinteressata come si vorrebbe far credere!

Zenone di Elea- 29 Dicembre 2010

L'EMPEREUR
FRANÇOIS-JOSEPH Ier
ET
L'EUROPE

Emile Pereire e Charles Duveyrier

(opera da taluni attribuita a Napoleone III)




PARIS
TYPOGRAPHIE DE FRÈRES DIDOT 

FRÈRES, Fils et Comp, Rue Jacob, 56.

E. DENTU LIBRARIE

Palais Royale., galerie d'Orleans 13

1860

(se vuoi, puoi scaricare il testo in formato ODT o PDF)

L'EMPEREUR
FRANÇOIS-JOSEPH I
ET
L'EUROPE

I

L'idée que le conflit Austro-Italien pourrait avoir, à la demande de l'Europe, une solution pacifique, a été accueillie avec une telle faveur, et fait chaque jour des progrès si rapides dans l'opinion, qu'il est temps de soumettre à une étude sérieuse ce projet éminemment populaire, et que justifient également les leçons de l'histoire et les intérêts d'une saine politique.

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Il s'agirait pour le gouvernement de François-Joseph d'adopter, à l'égard de la Vénétie, la sage résolution que Napoléon Ier prit à l'égard de la Louisiane, lorsque, reconnaissant l'impossibilité de conserver avec profit pour la France cette province, il en fit la cession, en 1803, aux États-Unis, moyennant une indemnité de 80 millions.

Depuis cette époque, le roi des Pays-Bas a fait à l'Europe le sacrifice de la Belgique.

On se rappelle avec quelle rapidité s'éteignirent les haines, les griefs nés de la lutte de deux nationalités inconciliables sous le même sceptre. Ce que la Hollande a évité de malheurs, tout ce qu'elle a gagné au détachement des provinces belges et à leur constitution en un État indépendant, n'est certainement pas de nature à faire regretter à la cour de la Haye le parti qu'elle a pris, à la sollicitation même de l'Autriche, représentée comme les autres grandes puissances dans les conférences de Londres.

Aujourd'hui, quelles plaies ne s'agit-il pas de fermer! quel effroyable cataclysme ne s'agit-il pas de prévenir!

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quel immense soulagement, quel bien-être, quelle explosion de travail et de prospérités inouïes, peuvent sortir de la sagesse d'un seul homme!

Cet homme est plus intéressé que personne à être magnanime, car son cœur tressaille au spectacle de la misère et des souffrances de son peuple; il est ému des angoisses de l'Europe. Souverain d'un des plus puissants empires, il a déjà eu le courage d'arrêter, au prix d'une partie de ses possessions italiennes, les horreurs de la guerre moderne. Le cri de ses entrailles lui fait donc sentir que la paix est le premier besoin des sociétés.

Mais, après cette concession faite aux sentiments humains, chrétiens de l'époque, doit-il consommer volontairement le sacrifice? peut-il, devant des trésors et des considérations de bienêtre, retirer, sans lutte, sans combat, une armée intrépide du sol qu'elle s'apprête à défendre?

On sent qu'il y a là une question d'honneur qui ne peut être tranchée que par un grand résultat politique.

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Pour que François-Joseph accueille avec calme, avec bienveillance les premières ouvertures d'une solution pacifique, il faut qu'elles lui donnent l'espoir d'un triomphe définitif que l'emploi des armes ne saurait lui promettre, et qu'elles lui apparaissent comme un moyen d'assurer la force et la dignité de son gouvernement autant que la prospérité de ses peuples.

Plaçons-nous d'abord à ce point de vue, et voyons, dans la nouvelle phase qui s'ouvre pour la question italienne, quels sont désormais les vrais intérêts de l'Autriche, et si la cession volontaire de Venise, qui opérerait un revirement complet dans la situation, n'offre pas à la Cour de Vienne la combinaison la plus habile, pour sortir victorieuse de la lutte.

II

L'Autriche n'est pas dégagée vis-à-vis de la France des stipulations de Villa-Franca.

Jusqu'à l'entrée des troupes sardes dans les Marches et les États de Naples, les trois signataires du Traité avaient été fidèles à leurs engagements.

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Nulle éventualité qui eût été prévue et interdite n'était venue compliquer la situation et rendre impossible l'idée mère, l'objet principal qui avait rapproché et mis d'accord les trois souverains, à savoir: l'indépendance de l'Italie, réalisée par une confédération de tous les États.

Le Piémont, entraîné par des exigences diversement appréciées, est sorti du concert qui s'était formé entre les trois Cours, malgré les avertissements et la désapprobation de Napoléon III, formulée par le retrait de son ambassadeur.

Le Piémont seul s'est donc placé, en face de l'Autriche, comme un adversaire. Nouveau Frédéric, le roi de Sardaigne entreprend de constituer au sud de l'Empire une nouvelle Prusse.

Le terrain de la lutte a été déplacé; son horizon s'est agrandi; en même temps, le but que devait se proposer le cabinet de Vienne changeait de caractère.

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Dans cette situation, toute nouvelle en effet, où sont les chances favorables de l'Autriche?

Il y a un siècle, au milieu de circonstances analogues, elle a eu recours à la force des armes. Après une guerre de sept ans, dans laquelle elle était soutenue par la France, la Saxe, la Suède et la Russie, une dernière défaite a consommé, par la fusion définitive de la Silésie dans la Prusse, la constitution du nouveau royaume. Et cependant, à Rosbach, la France combattait aux côtés de l'Autriche; et Frédéric II n'avait pas pour allié ce génie tout-puissant des sociétés modernes, qui est à la fois l'aiguillon et l'écueil des gouvernements: le réveil des nationalités.

Là est toute la force du Piémont. La position que le roi de Sardaigne a prise, en se proclamant roi d'Italie, n'a de point d'appui que dans le besoin qu'ont tous les peuples italiens de voir la Péninsule entière affranchie de la domination de l'étranger, et dans la conviction où ils sont que cet affranchissement est seulement possible au moyen d'une lutte suprême qui exige le sacrifice des traditions, des privilèges locaux, et la réunion de toutes les ressources et de toutes les forces dans une seule main.

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Mais que l'empereur François-Joseph détache de son plein gré la Vénétie de son empire et la cède à l'Italie; en acceptant la juste indemnité de la cession, qu'il engage la foi privée aussi bien que l'honneur du souverain, dans une transaction rendue indissoluble par la résurrection du bien-être de ses peuples; alors c'est lui même et lui seul qui accomplit, qui consomme l'œuvre de l'affranchissement. Il lui donne une base plus solide que n'auraient jamais pu le faire le sang et l'or de tous les Italiens. Il rend sans objet et sans prétexte tout changement territorial. Il désarme, il désintéresse les patriotes italiens de toute propagande dans ses États. Et, en même temps, cette sage politique assure à l'Autriche, dans le règlement définitif auquel devra procéder le Congrès de toutes les puissances, une influence justement respectée.

En satisfaisant d'une manière inespérée les tendances modernes et les traditions locales de l'Italie,

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François-Joseph s'est acquis le droit de stipuler des conditions avantageuses pour le Pape et pour Naples, et des compensations pour les intérêts sacrifiés dans la lutte et que la conclusion de la paix n'aurait pas permis de satisfaire.

En délivrant l'Europe des dangers qui la menacent au printemps, il peut exiger que la pacification ait un caractère plus général et qu'elle fasse cesser, à jamais, par une déclaration collective, universelle, les craintes périodiques que l'absence d'engagements directs entre les pouvoirs existants permet seule d'entretenir.

Reprendre la grande pensée de la sainte alliance, la reconstituer, dans l'intérêt des peuples et des rois, sur des bases conformes aux besoins de l'époque, et faire, enfin, que les frontières actuelles de la France et de tous les États de l'Europe deviennent aux yeux de tous et pour jamais sacrées et infranchissables, c'est le vœu universel des nations et des gouvernements; c'est l'œuvre capitale du siècle.

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Le règlement des affaires de l'Italie offre une occasion d'appeler l'attention des pouvoirs sur cette grande œuvre, et nul ne refuserait à l'Autriche l'honneur d'en prendre l'initiative.

Ces considérations, en montrant quels avantages la politique autrichienne peut retirer de la combinaison du rachat, permettent d'espérer que, présentée dans un grand intérêt européen, elle ne sera pas écartée sans examen. Nous pouvons l'envisager sous toutes ses faces.

III

Et d'abord, qu'est-ce que la Vénétie aujourd'hui pour l'Autriche?

Cité déchue, port solitaire, contrée désolée et ruinée, les États vénitiens forment, au pied des montagnes inaccessibles du Tyrol, de la Carinthie et de l'Illyrie, un pays plat, dont la défense a exigé un ensemble de constructions dispendieuses, et qui paralyse, en cas de guerre, une forte partie de l'armée loin de la capitale de l'Empire.

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Nul ne peut nier que l'obligation de soutenir le choc de l'ennemi dans les plaines de l'Adige et du Pô n'ait été pour l'Autriche, depuis un demi-siècle, la cause de tous ses échecs.

Si les armées impériales avaient pu, en 1797, en 1805 et 1809, concentrer leurs moyens de défense sur le versant méridional des Alpes, leurs forces se seraient accrues de tout ce qu'elles ont perdu en rase campagne, et, maîtresses d'une position que l'art peut rendre, à peu de frais, inexpugnable, elles eussent conservé intact le territoire national.

La Vénétie ne cesserait d'être une charge et un danger, au point de vue de la défense du territoire, que si, jugée nécessaire à la sûreté de l'Allemagne, elle était admise dans la confédération, et si ses places fortes étaient déclarées forteresses fédérales.

Mais cette faveur que, pendant quarante ans de paix, l'Autriche a vainement réclamée de la Prusse,

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alors qu'elle n'eût pas même été discutée par les peuples allemands, cette faveur qu'elle n'a pu obtenir au moment où le canon français tonnait aux portes de Vérone, est rendue depuis une année matériellement impossible par l'influence que le mouvement révolutionnaire et unitaire de l'Italie exerce sur les sentiments du peuple dans les États secondaires.

L'Autriche n'a pas oublié quelle effroyable tourmente la seule nouvelle de la révolution de février a fait éclater dans toute l'Allemagne.

Les idées de nationalité et d'unité germaniques, développées jusque-là seulement par les historiens et les philosophes, avaient alors un caractère purement idéal. Les gouvernements, après avoir cédé à l'effervescence populaire, ont pu facilement s'en rendre maîtres. L'exemple de l'Italie imprime aujourd'hui aux aspirations des masses en Allemagne une direction plus positive. La prudence et la loyauté du régent de Prusse ont réussi jusqu'à ce jour à contenir ce mouvement latent et puissant de l'opinion populaire. Mais, si la situation se compliquait par une démarche

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de l'Autriche de nature à compromettre la nationalité allemande dans ses débats personnels avec la nationalité italienne, nul ne peut prévoir les éventualités que cette situation nouvelle ferait naître, ni les dangers intérieurs et les nouveaux devoirs qu'elle pourrait imposer au cabinet de Berlin.

L'Autriche le sait et ne se fait aucune illusion sur la possibilité de jamais obtenir de l'Allemagne la transformation du quadrilatère en forteresses fédérales; position qui serait d'ailleurs aussi inutile au point de vue militaire qu'elle est dangereuse au point de vue politique.

IV

Le détachement de Venise peut-il soulever dans le cœur de François-Joseph les sentiments pénibles qu'a dû y faire naître l'abandon de la Lombardie?

Nullement, car il ne s'agit pas d'un sacrifice onéreux arraché par la victoire. Il ne s'agit pas non plus d'une province héréditaire et qui ferait tomber du front du jeune Empereur une couronne vieille de huit siècles.

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La patrie des Doges ne s'est pas donnée comme la Bohême et la Hongrie. Elle n'a pas été conquise, elle n'est pas échue à la maison d'Autriche par mariage ou par succession. Son annexion date de soixante ans à peine, et elle a eu lieu par un procédé que des raisons politiques peuvent expliquer, mais non légitimer. I^es stipulations du traité de Campo-Formio ont disposé, en effet, du sort d'un peuple libre, sans guerre, sans conquête, malgré ses plus solennelles protestations suivies bientôt des remontrances de la diplomatie.

Ces circonstances, tout exceptionnelles, font voir que le lien qui attache la Vénétie au territoire impérial peut être dénoué sans faire naître, dans aucune province, l'espoir d'un sort semblable, ni créer un antécédent en sa faveur.

Il s'agit, pour l'Autriche, de disposer d'un territoire dont l'acquisition a été, il y a soixante ans, entachée d'un vice originel, que des antipathies de races et le peu de durée de l'annexion

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n'ont pas permis d'amalgamer au reste de l'Empire, et qui est plutôt un embarras qu'une ressource pour la défense de ses frontières naturelles.

V

Quel profit, dans l'état présent des choses, l'Autriche peut-elle espérer retirer de la Vénerie?

Après les événements qui ont si profondément modifié l'attitude des populations et des pouvoirs en Italie, événements qu'aucune des grandes puissances, pas même la cour de Vienne, ne s'est cru le droit ni le pouvoir de prévenir, il est bien évident que l'Autriche n'a plus aucun avantage, aucun profit à retirer de la Vénétie, et que la possession de cette province ne saurait être pour elle, désormais, qu'une source d'agitation intérieure et de ruine.

La Vénétie compte une population de 400,000 âmes; le produit de l'impôt monte à 70 millions de francs;

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 sa dette spéciale est de 7 millions. Les charges courantes déduites, que reste-t-il pour faire face à une occupation militaire, qui, sur le seul territoire vénitien, n'exige pas moins de 150,000 hommes?

Le trésor impérial, déjà en déficit permanent dans les circonstances normales, peut-il supporter cette énorme surcharge?

Et pourtant il faut de toute nécessité qu'il se l'impose, et, même alors qu'aucune attaque n'aurait lieu, la prudence ne permettrait pas de l'alléger.

On ne peut s'attendre à ce que les Vénitiens, écrasés de taxes dont le produit n'est employé qu'à les maintenir sous une compression militaire qui leur est odieuse, ayant à leur porte et sous leurs yeux le spectacle de la patrie unie et libre, reviennent à des sentiments de calme et de soumission envers leurs dominateurs. L'occupation d'un pays où l'armée ne compte pas partisan, et dont la population peut appelet à chaque instant vingt-quatre millions de frères à sa délivrance,

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offre évidemment la perspective d'un accroissement plutôt que d'une réduction de dépense. Faute de crédit, il faudra surcharger l'impôt au delà des forces des contribuables, mécontenter,, en les ruinant, les autres provinces de l'Empire, et marcher, par l'accumulation des déficit, à des catastrophes financières.

La possession de la Vénétie ne compromet pas seulement les finances de l'Empire, elle affaiblit sa puissance militaire. Sur un contingent de six cent mille hommes, Venise contribue pour un quinzième environ; elle fournit donc à l'Autriche quarante mille soldats d'une fidélité plus que douteuse, et que l'on disperse dans les garnisons de l'intérieur. Par contre, l'Autriche,. nous l'avons vu, est obligée de porter l'armée d'occupation à cent cinquante mille hommes, choisis parmi ses meilleurs soldats. C'est donc cent dix mille hommes que l'Autriche serait dans l'impossibilité de faire marcher soit à la défense de ses frontières, soit au secours de la Confédération, en cas de guerre continentale; et ce sacrifice de cent dix mille hommes,

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paralysés hors de ses domaines héréditaires, n'a d'autre résultat que d'entretenir quarante mille propagateurs du principe des nationalités au cœur de l'Empire.

La possession de la Vénétie ne peut donc plus être pour l'Autriche qu'une cause d'affaiblissement et de ruine.

VI

Si l'Autriche se dessaisissait purement et simplement de la Vénétie, elle ne perdrait rien, et réaliserait, au contraire, une forte économie. Mais, si elle en faisait la cession à l'Italie moyennant une indemnité de 5 à 600 millions, quels avantages ne retirerait-elle pas d'une pareille transaction, de la paix qu'elle aurait cimentée, et de l'apaisement des esprits qui en serait la suite inévitable!

Le trésor impérial, d'abord, pourrait rembourser la Banque de Vienne, et la Banque,

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recevant le numéraire de l'étranger, serait en mesure de reprendre le payement de ses billets en espèces. L'effectif de l'armée, ramené au pied de paix, permettrait d'alléger le fardeau excessif des taxes, de combler le déficit, et de maintenir dorénavant l'équilibre des budgets, en consacrant des sommes importantes au développement des travaux publics et du bien-être populaire.

Les fonds autrichiens atteindraient bientôt le pair: immense résultat pour un pays qui ne pourrait contracter aujourd'hui à l'étranger le plus modique emprunt en 5 pour 100 qu’au-dessous de 49, cours actuel des métalliques à la Bourse de Francfort, ce qui porterait la rente payée par le trésor à plus de 10 pour 100 de la somme prêtée.

L'état révolutionnaire de l'Italie ayant cessé, la Hongrie, privée des excitations du dehors, retrouverait bientôt le calme, et serait obligée de régler ce que ses prétentions peuvent avoir d'excessif, sur la conduite des autres provinces.

Le gouvernement impérial, délivré de toute

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préoccupation étrangère à la bonne administration intérieure de ses États, pourrait achever cette œuvre, si souvent reprise et abandonnée, de l'établissement d'une constitution forte et libérale dans tout l'Empire.

Ce serait enfin une merveilleuse transfiguration de l'état de trouble, de misère, d'humiliation dans lequel l'énergie nationale se consume, en un état de repos et de bien-être universels.

Il ne faut pas s'étonner qu'à Vienne et dans les provinces, l'idée d'une pacification, opérée par la cession de Venise aux Italiens, rencontre des sympathies dans toutes les classes de la population. L'armée seule regretterait peut-être un dénoûment qui lui interdirait tout espoir d'une revanche de la dernière campagne. Mais quel serait le caractère de cette revanche? L'Autriche aurait-elle à combattre l'Italie seulement? N'y aurait-il aucune diversion au cœur même de l'Empire? Et quelle attitude auraient aujourd'hui la plupart des régiments hongrois en face de leurs compatriotes, volontaires de la brigade de Turr? Toutes ces questions préoccupent le peuple,

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qui n'a aucune raison de s'intéresser à la conservation de la Vénétie, et qui a un grand intérêt, au contraire, à ce qu'elle soit détachée de l'Empire. Aussi peut-on affirmer que, si le suffrage universel était consulté, si le gouvernement autrichien posait, en haute et basse Autriche, en Styrie, en Carinthie, en Bohême, en Tyrol, en Croatie, en Hongrie, en Gallicie, en Transylvanie, en Dalmatie, cette question: Faut-il céder à l'Italie la Vénétie moyennant une somme de 600 millions? tous les peuples conseilleraient cette mesure, et l'opposition généreuse de l'armée se perdrait au milieu d'universelles acclamations.

VII

Autant l'Autriche a d'intérêt à détacher la Vénétie du corps de l'Empire, autant l'Italie est intéressée à la racheter.

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Accolée à l'Autriche, Venise est un cadavre. Rendue à l'Italie indépendante, la morte ressuscite et communique une vie nouvelle et comme une émanation de joie, de bien-être et d'orgueil à la commune patrie.

Les appréhensions de l'avenir se dissipent, les passions révolutionnaires s'apaisent; les jours du sacrifice sont consommés. Plus de levées en masse! Le foyer solitaire des familles se repeuple; le tambour est muet. Dans les villes, dans les ports, dans les campagnes, l'or et les bras retournent au travail. Les conseils publics, les services administratifs et les lois peuvent se conformer, dans chaque État, à la diversité des traditions politiques et des mœurs.

A quel degré de prospérité ne peut pas prétendre l'Italie, le jour où elle est rendue à la pleine et calme possession d'elle-même, et où elle peut consacrer toutes ses ressources, toutes ses forces à l'œuvre de la pacification et du bien-être de ses enfants!

Rompre, sans effusion de sang, le dernier anneau

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de la servitude, et compléter le territoire national par l'annexion d'un État de deux millions quatre cent mille âmes, dont le revenu, de 7o millions, n'est réduit que d'un dixième par sa dette, et qui couvre au nord la patrie commune d'une ligne de défenses gigantesques, n'est-ce pas une conquête inappréciable, quand on se rappelle surtout ce que le Piémont et la France ont dû sacrifier d'hommes et de trésors pour conquérir la Lombardie, qui reste encore aujourd'hui vulnérable de tous les côtés?

Il n'est pas un Italien qui ne comprenne que la cession de la Vénétie par l'Autriche, c'est la sécurité, c'est la cessation de toute crainte du retour de la domination étrangère, et que les armées italiennes, réduites des trois quarts, donneront lieu à une économie cinq fois supérieure à la rente de l'emprunt souscrit pour le rachat.

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VIII

L'intérêt de l'Autriche et de l'Italie à compléter l'œuvre de l'affranchissement et de la pacification, par la cession amiable et contre indemnité, de la Vénétie, étant suffisamment démontré, il reste à déterminer quels devraient être le caractère et les bases de la transaction et à justifier l'intervention de l'Europe.

Le problème à résoudre consiste à donner à la transaction qui accomplira le rachat de Venise la base la plus large et les garanties les plus solides.

Au point de vue financier, il s'agit de verser au trésor autrichien la plus forte somme, en grevant l'Italie de la moindre annuité.

Au point de vue politique, il faut satisfaire pleinement l'honneur de la cour de Vienne, en donnant à la réunion du Congrès un but d'ordre et d'intérêt européen, et à sa composition le caractère le plus général.

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L'intervention de toutes les puissances sans exception, leur concours direct, actif, convertit la transaction en un pacte solennel, en une convention de bien public, en une trêve de Dieu.

En même temps, la participation de tous crée les conditions les plus favorables de crédit, et des garanties si multiples, que les risques s'annulent au point de rendre nominale la responsabilité de chacun.

IX

L'intervention de l'Europe sur ces bases est-elle justifiée? n'est-il pas à craindre que l'engagement à prendre pour la garantie de l'emprunt ne soulève de l'opposition de la part de quelque cabinet?

La conscience publique n'éprouve aucun doute à ce sujet. L'intérêt de chacun répond de la participation de tous.

Il n'est pas un gouvernement dont le crédit

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ne soit compromis par l'état de gêne où la prolongation du conflit Austro-Italien, après une double guerre, plonge le marché des capitaux.

La guerre détruit tant de richesses que, pour faire face à ses nécessités, tous les approvisionnements accumulés pendant les années de paix, toutes les réserves y peuvent à peine suffire. Cette masse immense de produits de toute nature une fois détruite, il faut de longues années pour la recomposer. Et ce n'est que lorsque les réserves sont reformées, les magasins remplis de nouveau, de manière à satisfaire aux besoins courants de la production et de la consommation, que les prix reprennent leur niveau, la circulation monétaire son cours régulier, et que les capitaux, redevenus libres, peuvent répondre à l'appel des gouvernements.

La France et l'Angleterre ont pu rentrer rapidement dans l'état normal. Mais l'Autriche, l'Allemagne, la Russie, se ressentaient encore de l'épuisement causé par la guerre de Crimée, lorsque la guerre d'Italie a éclaté.

Cette dernière guéri e et les complications qui

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l'ont suivie, en nécessitant de nouveaux préparatifs, ont creusé un nouveau vide dans les approvisionnements de l'Europe. Loin de devenir disponibles, les capitaux ont été de plus en plus absorbés par les besoins d'autant plus impérieux de la production.

C'est ce qui explique pourquoi, dans ces derniers temps, ni l'Autriche, ni la Russie elle-même, n'ont pu trouver de prêteurs à l'étranger. Toutes leurs tentatives d'emprunt ont échoué, et l'absence de crédit a aggravé la crise monétaire au point que l'intérêt s'est élevé, dans ces derniers temps, à Saint-Pétersbourg, jusqu'à i o et 12 p. 1o0, tandis que la valeur du rouble est réduite de près d'un dixième. Au lieu de 4 fr., il vaut à peine 3 fr. 65 cent.

Cette situation critique qui affecte plus ou moins tous les gouvernements, montre que l'intérêt seul de leurs finances les invite à garantir l'emprunt destiné au rachat de Venise, puisque cet emprunt, qui amènera un état de paix définitif, rétablira leur propre crédit et leur permettra d'obtenir, à des termes favorables, les capitaux que le marché européen est aujourd'hui impuissant à leur procurer.

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X

Mais un avenir prochain crée des exigences plus impérieuses.

A aucune époque, l'Europe ne s'est sentie menacée par un cataclysme comparable à celui qui doit sortir avant quatre mois de l'état de l'Italie.

L'Autriche est prête, l'Italie s'arme. Le cartel a été lancé, par vingt-quatre millions d'hommes en révolution, au souverain d'un des plus puissants empires de l'Europe.

Si la guerre éclate, la France, l'Allemagne, et peut-être l'Angleterre, la Russie, seront entraînées à y prendre part; ce sera une conflagration générale.

Si le choc est retardé, alors c'est une perturbation pire peut-être que la guerre.

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Au lieu d'une crise violente qui, par l'excès du mal, donnerait l'espoir d'une réaction, c'est l'attente, c'est la peur de la guerre!

Et ce mal terrible ne fait-il pas déjà sentir ses étreintes? Les capitaux inactifs, accumulés par les comptes courants dans nos grands établissements de crédit, ne dépassent-ils pas déjà un demi-milliard? On craint les nouveaux engagements, on ajourne les opérations à longs termes. Un peu plus, et l'on verra les travaux se ralentir, on suspendra les grands projets d'amélioration publique, l'or se retirera, les bras se croiseront; il se fera un temps d'arrêt dans la production! Et qu'est-ce que la production? la production normale, quotidienne? C'est le pain et la viande de chaque jour, c'est le luxe du riche, c'est le nécessaire du pauvre, c'est l'épargne de tous les états, de toutes les professions, qui paye le médecin, l'école, le remplaçant, la dot des enfants; c'est la sécurité et la joie du foyer domestique, la santé, le bienêtre, la vie de toutes les familles.

La voilà donc, cette Europe si fière de ses mœurs,

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de ses arts, de ses découvertes et de sou industrieuse énergie! cette Europe qui sillonnait ses campagnes de chemins de fer, creusait des canaux et des ports, desséchait ses marais, plantait ses landes, assainissait ses villes et multipliait jusque dans les moindres villages les églises, les écoles, les crèches et les hospices; la voilà saisie d'effroi, languissante, énervée et montrant du doigt sur son vaste corps endolori: Venise, cette plaie qui la ronge!

Et il y aurait un gouvernement, une contrée qui refuserait son concours à l'œuvre du salut commun!

Non! tous les États sans exception sont intéressés à détourner de la communauté chrétienne le cauchemar qui l'oppresse. Quand on est averti et que les antécédents de la politique tracent nettement la voie à suivre, nul ne peut hésiter. L’Europe entière interviendra et réglera définitivement le sort de l'Italie, comme elle a réglé le sort de la Grèce, de la Belgique, des Principautés.

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XI

Le rôle que les finances sont appelées à remplir, pour faciliter l'accomplissement des grands devoirs de justice, qui font la grandeur et la vraie prospérité des sociétés, est aujourd'hui apprécié de tous.

Le milliard qui a indemnisé en France les victimes de la révolution, les 500 millions que l'Angleterre a généreusement consacrés à la rédemption des noirs, l'organisation des banques allemandes pour aider et activer le rachat des droits féodaux,la participation des budgets dans les entreprises d'utilité publique, les subventions aux écoles, les risques courus pour réduire les taxes, ont formé des opérations productives d'un profit bien supérieur à l'intérêt des capitaux engagés.

Tant d'exemples heureux, que la nécessité seule avait provoqués au début, ont peu à peu éclairé et encouragé les esprits. Les hommes d'État, les Souverains,

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ont compris les lois qui règlent les innombrables transactions dont se compose le labeur quotidien des peuples, et la puissance du souffle générateur qui entretient la vie dans ce grand mécanisme. Ils savent que, si quelque chose pouvait, avec le secours des siècles, réaliser pour l'humanité entière la parabole de la multiplication des pains, ce seraient les finances, le crédit.

Pour déterminer sa participation dans la garantie de l'emprunt italien, chaque État n'aura donc qu'à se demander si cet emprunt est une opération solide, offrant la perspective d'un bénéfice considérable.

XII

La Grande-Bretagne, la Russie et la France ont garanti l'emprunt qui a fondé l'indépendance du royaume de Grèce.

Il y avait là des risques à courir qu'il ne convenait pas de faire partager à toutes les puissances, et dont quelques grands États seulement pouvaient prendre la responsabilité,

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 au nom et pour l'honneur des sentiments religieux des peuples qu'ils représentaient.

Aujourd'hui c'est la société tout entière qui est en souffrance. Les cœurs sont serrés; les travaux, les ressources de chacun, sont compromis; et, au point de vue des résultats matériels seuls, on peut dire sans exagération que l'Europe aurait intérêt non pas seulement à garantir, mais à solder de ses propres fonds l'emprunt destiné à pacifier l'Italie et à relever les finances de l'Autriche.

C'est par milliards qu'il faut compter les profits immédiats que toutes les familles retireront de la situation nouvelle dans laquelle cette grande opération placera le marché européen.

Les échanges, les grandes entreprises et les emprunts publics créent entre tous les pays des liens de réciprocité, dont l'importance grandit tous les jours. Sur tous les points du globe, les industries s'alimentent et se soutiennent; tous les commerces, toutes les bourses, sont solidaires.

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La ruine d'un seul est le malheur pour tous.

Une crise en Amérique a fait sombrer, il y a trois ans, en Angleterre et en Écosse, les banques, les maisons les plus solides, et fait sentir sur toutes les places du continent le contre-coup de ses désastres.

Eh bien! cet ouragan rapide ne peut donner qu'une idée affaiblie de la perturbation que fait éprouver au marché européen l'état des finances de Vienne.

XIII

Depuis vingt ans, les budgets de l'Autriche se sont balancés par des déficit, que le gouvernement a successivement remplis au moyen d'emprunts placés à l'étranger.

Le jour où le crédit des maisons de Francfort,

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de Berlin, d'Amsterdam, de Londres et de Paris lui a manqué pour le placement de ses métalliques, l'Autriche a vendu à des compagnies françaises ses chemins de fer, ses mines, ses forêts; et, lorsque ces ressources ont été dévorées, elle a puisé dans les coffres de sa Banque, en hypothéquant ce qui lui restait d'hypothécable.

Aujourd'hui la dette publique atteint le chiffre de 2,500,000,000 florins (6 milliards 300 millions de francs), et ces valeurs se négocient dans toutes les Bourses d'Allemagne à plus de 50 pour 100 de perte.

Que le discrédit cesse: ces valeurs, tombées aujourd'hui à Francfort à 49, reviennent au moins au cours de 1858, qui était 86. Cette différence représente pour l'Autriche, l'Allemagne, la Hollande, la Belgique, une plus-value de Deux Milliards au moins. Or l'amélioration des cours ne se produirait pas seulement sur les effets publics autrichiens; on la retrouverait sur les effets publics allemands, prussiens, belges, hollandais, russes, français et anglais.

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La plus-value aurait lieu dans une proportion moindre, mais sur un capital tellement immense qu'elle ne peut pas être estimée à moins de cinq à six milliards.

Le Trésor autrichien doit à la Banque de Vienne 340 millions de florins (850 millions de francs).

Qu'au moyen de la cession de la Vénétie, la Banque reprenne ses payements en espèces, et tout sujet autrichien qui possède un billet de banque ou un billet monétaire, ayant également cours forcé, tous ceux qui ont à recouvrer des revenus, des factures, des traites, des effets de commerce, des créances hypothécaires, voient augmenter leur capital de près de 50 pour 100, puisque la valeur du florin s'élève de 1 fr. 75 à 2 fr. 50. Il y a encore là des améliorations qui se chiffrent par milliards.

Mais ce n'est pas tout. La réduction de l'effectif militaire autrichien, qui est la conséquence de la cession de la Vénétie, permet à la cour de Vienne d'alléger le poids accablant des taxes, qui, dans les seules années 1859 et 1860, ont été accrues de 40 millions de florins (100 millions de francs);

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soit un sixième de la recette totale du budget. Aujourd'hui l'impôt foncier dépasse, en Hongrie, 32 pour 100 du revenu et s'élève, avec les centimes additionnels, à 40 pour 100. L'impôt des loyers atteint à Vienne le tiers du prix des locations. Les droits sur la viande, appliqués dans les campagnes aussi bien que dans les villes, figurent pour un sixième dans la surtaxe de 18 millions de florins (45 millions de francs) à la charge des impôts indirects. Les droits de timbre et de mutation donnent lieu à des réclamations universelles. L’Empereur a dû ordonner par un billet olographe de ne les appliquer que sur la moitié de la valeur des propriétés. Mais le plus grand vice de la fiscalité, c'est le poids que font peser sur les contribuables les frais de perception. Ceux des impôts directs absorbent la moitié de la recette.

Quel changement, quelle amélioration dans toutes les industries, dans toutes les fortunes, le jour où ce manteau de plomb, ce séquestre barbare que la guerre, ou plutôt la peur de la guerre et le discrédit de l'Autriche tiennent suspendu sur une portion considérable du capital européen, sera levé!

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Nul ne peut calculer l'élan que la disposition instantanée de tant de richesses et leur mise en circulation, le retour de la confiance et la certitude de l'avenir, imprimeront à la production et à la prospérité de toutes les contrées de l'Europe.

Car, malgré les souffrances universelles que nous ressentons, il ne faut pas s'exagérer la gravité de la situation.

Il n'y a qu'un petit point du continent où les hommes, dans l'exaltation du patriotisme ou par fidélité au drapeau, sont prêts à s'entre-tuer.

Toutes les nations sont en paix et n'entretiennent un état militaire ruineux que dans la crainte des complications que la prolongation de la crise italienne peut faire naître.

Faites disparaître tout sujet de haine et de lutte entre les contrées que les Alpes séparent, et vous dissipez les alarmes de l'Europe, vous lui donnez la sécurité politique après laquelle elle aspire depuis si longtemps, vous répandez dans toutes les contrées

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 ce limon générateur dont parlait Turgot quand il comparait le développement successif des travaux créés par l'abaissement du taux de l'intérêt, à ces prairies, à ces champs fertiles, que les eaux d'un fleuve débordé découvrent en se retirant.

S'il vivait de nos jours, où les relations de crédit sont plus que centuplées, combien son chaleureux amour de l'humanité serait exalté à l'aspect de la prospérité générale qui suivra la pacification de l'Italie!

XIV

Nul gouvernement n'aura donc à redouter l'opposition ou le blâme de son peuple; tous craindront, au contraire, que l'indifférence et l'inaction ne deviennent une cause d'impopularité.

L'affranchissement de l'Italie inspire des

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sympathies universelles; et partout le bon sens dit que 600 millions donnés par les Italiens à l'Autriche, au moyen d'un emprunt garanti par toutes les puissances, et qui ne ferait courir de risques à aucune, assurent bien mieux l'indépendance des Italiens, déterminent bien plus sûrement les frontières de la nouvelle patrie, que tous les traités conclus entre les deux adversaires, avec ou sans indemnité, après une lutte sanglante.

Ce lien d'affaires, cette opération de finances, intervenue entre les deux pays, ajoute une consécration de plus aux engagements du droit des gens. Le traité a pour base et pour sanction la loi politique et la loi civile. Les limites consacrées par un acte semblable sont mieux garanties et plus infranchissables que si elles étaient défendues par des armées invincibles, par des fleuves, des montagnes, des forteresses formidables. Toutes les puissances s'étant associées pour garantir les frontières de/l'Autriche et de l'Italie, aucune désormais ne peut rien craindre pour ses propres frontières.

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Car violer des frontières ainsi tracées serait non-seulement un crime politique, mais un manque d'honneur, qui soulèverait l'indignation universelle, et qu'aucune puissance partie au contrat ne pourrait se dispenser de réprimer et de flétrir, sous peine d'encourir le reproche d'une indigne complicité.

XV

Résumons-nous.

Les destinées de l'Autriche, de l'Italie, et les plus grands intérêts de l'Europe sont compromis par la prolongation du conflit Austro-Italien.

Ni les canons rayés, ni les trois cent mille hommes internés dans le quadrilatère ou campés sur le versant des Alpes et sur les rives de l'Adriatique, ne pourront amener une solution favorable à la dynastie de Hapsbourg.

Ni le sacrifice de toutes les fortunes,

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ni la levée en masse de tous les hommes valides du nord au sud de la Péninsule ne parviendront, non plus, à trancher le différend dans le sens des vœux de l'Italie.

Il faut, pour mettre un terme aux convulsions de cette crise inextricable, que l'Europe entière intervienne au nom du repos commun et pour l'honneur de la civilisation moderne.

Le simple examen des faits et des intérêts en souffrance montre que tous les éléments d'une transaction amiable existent.

Mais l'Europe, intervenant pour ajouter une nouvelle transformation à toutes celles qu'ont déjà subies les traités de 1815, peut-elle en rester là?

N'est-ce pas une occasion naturelle de refondre en son entier et de reconstituer, sur des bases conformes aux progrès et aux nouveaux besoins des sociétés, le pacte fondamental sur lequel est censée reposer la sécurité des divers États?

La tutelle, longtemps utile sans doute, que les cinq grandes puissances avaient assumée, a-t-elle empêché

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les révolutions de France, d'Espagne, de Grèce, de Belgique et d'Italie? a-t-elle suffisamment protégé les dynasties et garanti les possessions des États secondaires?

Ah! sans doute, le progrès des mœurs, des institutions libérales, le développement des voies de communication, l'extension du commerce, le réveil des nationalités et le respect universel qu'inspire le suffrage de classes jusqu'à ce jour maintenues dans l'état de minorité, sont des signes qui imposent de nouveaux devoirs aux grandes puissances.

Il est temps de reconnaître à tous les États le droit de se protéger eux-mêmes, et de leur en donner le moyen, en les admettant tous à participer aux délibérations ayant pour objet l'intérêt commun.

L’Europe appelle enfin l'institution d'un congrès universel permanent, où toutes les puissances, sans exception, viennent renouveler d'abord l'engagement de respecter leurs frontières, et dont l'arbitrage reconnu et respecté impose désormais une solution- pacifique à tous les différends.

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Solidarité des intérêts, bienveillance des relations, inviolabilité des territoires, conciliation de tous les conflits, tel était le but que les plénipotentiaires de Vienne s'étaient proposé! Et malgré les imperfections d'une œuvre accomplie dans un esprit de réaction, au lendemain d'une lutte de géants, cette œuvre, à chaque instant troublée et compromise, n'en a pas moins donné à l'Europe une paix de quarante ans.

Dans l'état de nos mœurs, après tant de progrès accomplis, la réédification de ce grand monument, élevé à la concorde, ouvrirait certainement à l'activité des peuples une carrière plus longue et plus féconde.

Mais n'aurions-nous en perspective qu'un demi-siècle de paix, de désarmement, de réduction d'impôts et de travaux productifs, quel degré de moralité, de lumières, de bien-être, la génération présente, avec les ressources dont elle dispose, ne pourrait-elle pas atteindre!

C'est ce bienfait inappréciable que l'Europe demande à l'empereur d'Autriche.

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 Elle lui demande non pas de surprendre, de vaincre les armées italiennes, ce qui lui serait facile, mais de se vaincre lui-même.

Est-il une conquête, une victoire, dont le prestige puisse égaler la grandeur et la popularité d'un pareil triomphe?

XVI

Ayons donc confiance!

Les résolutions héroïques et solennelles, qui marquent dans l'histoire les étapes progressives de l'Europe chrétienne, ont toujours surmonté les difficultés que leur opposaient les passions et les intérêts des hommes.

Les esprits légers et chagrins imaginent seuls que les susceptibilités même les plus nobles, les plus légitimes, puissent l'emporter, dans les crises suprêmes, sur la raison d’État.

L’empereur François-Joseph,

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qui tient dans ses mains les destinées de l'Autriche, sait quelle responsabilité doit entraîner sa décision. Après l'amour de ses peuples, il y a, dans ce cœur fier et loyal, une passion qui l'emporte sur toutes les autres, c'est la passion de la gloire, de la vraie gloire: celle que dispense, avec la patrie, l'Europe entière, le monde civilisé!

Victor-Emmanuel se montrera digne de sa fortune. Il mettra son honneur à rester aux yeux de tous ce qu'il a voulu être, le libérateur de sa patrie; et, jetant un regard sur le passé, mesurant la distance parcourue, il s'applaudira des conquêtes du présent et de la juste part que sa prudence lui réserve dans les éventualités de l'avenir.

Enfin, nous savons avec quelle rapidité, grâce aux voies ferrées, aux télégraphes et aux journaux, une idée juste, une solution pratique peut rallier, d'un bout de l'Europe à l'autre, les convictions et les volontés vers un but conforme à l'intérêt de tous.

Le rachat de Venise est la seule solution efficace, raisonnable, humaine de la lutte.

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Nous espérons que, lorsque la discussion aura permis à chacun d'apprécier tous les avantages de cette*transaction, il se formera dans tous les pays une explosion de l'esprit public qui obligera les gouvernements à s'entendre; et la guerre d'Italie se terminera, comme celle de Crimée, par l'accomplissement de cette parole, qui est l'expression vivante de la civilisation moderne:

Ce ne sont-pas les armées, c'est l'opinion qui remporte la dernière victoire!




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